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31 octobre 2012 3 31 /10 /octobre /2012 00:00

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La ronde des rues

 

Lola aime Paris, elle y est née et y a toujours vécu. Bien sûr elle a quitté cette ville si bruyante, le temps de prendre des vacances bien méritées. Elle a même voyagé dans beaucoup de pays aussi différents les uns que les autres : le Canada, la Finlande, l’Italie, le Sénégal ou la Turquie.

Lola a choisi de vivre à Paris. A l’approche de la quarantaine, moment clef de sa vie, elle pense se connaitre un peu. Elle sait son côté frondeur, son envie d’être différente, sa volonté de naviguer à contre-courant, son anticonformisme c’est pour cela que Lola a adopté Paris, envers et contre tout, envers et contre tous ! Car c’est une mode que de décrier Paris. A écouter ses habitants, c’est souvent l’enfer : surpopulation inhumaine, pollution excessive, embouteillages quotidiens, grèves à répétition, concerts de klaxons etc. Tous ces habitants-là subissent Paris parce qu’ils n’ont pas choisi d’y vivre, tous ceux-là ne viennent à Paris que pour y travailler et ne rêvent que d’une chose les week-ends et les vacances : retourner dans leurs provinces natales.

Lola se sent bien à Paris, elle y savoure sa vie. Les contraintes et les inconvénients de cette mégapole, si souvent critiquée, Lola les a faits siens. Pour elle, ils sont minimes par rapport aux avantages qu’elle trouve à vivre ici, car elle est tellement curieuse de tout ! Il se passe toujours quelque chose ici : une expo inédite, une pièce de théâtre intéressante, une nouvelle œuvre d’un illuminé soi-disant artiste ou une initiative originale d’un élu en mal de reconnaissance de ses concitoyens.

Lola admire Paris, ici tout est possible. Tout est anonyme, tout est original, tout est singulier. Cette capitale est le creuset de toutes les extravagances et de toutes les opportunités. A la fois riche de son passé, de son architecture, de ses musées et riche de son avenir, de ses projets, de son urbanisme en devenir.

Lola contemple Paris : l’histoire de cette ville peut surgir brusquement au détour d’une rue. Elle lève la tête et découvre ici une mosaïque à moitié cachée sous la devanture d’un restaurant, là une sculpture sur le fronton d’un ancien hôtel particulier transformé en bureaux pour une société d’assurance ou découpé en appartements luxueux.

Lola raffole de Paris la nuit, elle s’arrête devant les vitrines éclairées. Dans le calme apparent de cette grande ville endormie, elle arpente les rues, quartier après quartier, pour dénicher une décoration originale ou retrouver le nouvel espace à la mode très tendance, bondé la journée et si serein la nuit.

Lola profite de l’ambiance de Paris, elle ne s’ennuie jamais ici, même quand elle n’a rien à faire de spécial. Elle s’assoit à la terrasse d’un café et observe les passants, elle imagine leurs vies, les raisons de leurs présences ici, sur ces grands boulevards. Elle scrute les détails, se fait des films et s’évade ainsi loin des tumultes de la ville. Lola aime Paris car personne ne la juge et elle ne juge personne.

 

Lola dévore Paris, elle saisit tout :

- les livreurs qui bloquent les petites rues avec leurs camions encombrants,

- les boulangers qui allument en premier leurs devantures, pour les fameux croissants

parisiens et les baguettes du même nom,

- les joggeurs fous qui courent sur le bitume avant d’aller travailler,

- les va et vient des gens qui entrent et sortent, par flots ininterrompus, des bouches de métro,

- les parents qui quittent de la crèche, tout fiers avec leurs bébés dans les bras,

- les nounous qui vont chercher les enfants à l’école maternelle,

- les mamies qui récupèrent leurs petits-enfants à 16h30,

- les longues files d’attente devant les musées ou les expos de ceux qui n’ont pas réservé leur billet par internet,

- les retraités qui vont faire leurs courses quand il n’y a plus personne etc.

Lola adore Paris quand il pleut, elle se souvient de ce printemps 2010, où la pluie est tombée pendant 21 jours consécutifs. Les giboulées détrempaient tout, les stores des cafés, les bâches des couvreurs sur les toits en réfection, les auvents sur les étals des marchés, les parterres de fleurs autour des arbres dans les jardins publics. Les averses rendaient boueux tout espace sans herbe ou sans béton. La ville était triste et sombre, elle semblait désertée par ses habitants. Ce décor grisâtre était cependant égayé de façon régulière par les feux tricolores qui continuaient imperturbablement à rythmer les carrefours de la ville.

Lola s’amuse à Paris et même s’il pleut, elle s’en fiche. Elle ne sort jamais sans son parapluie multicolore, elle s’habille en conséquence et part se promener au hasard des rues. Elle rit de voir les gens courir se réfugier à l’abri dès les premières gouttes.

Lola déguste Paris comme un bonbon. Quand elle est fatiguée par le bruit permanent de la ville, elle quitte l’artère principale et découvre à chaque fois un petit coin au calme qui semble oublié de tous. Alors elle s’arrête, se repose, se ressource quelques instants. Ses yeux se posent sur une fleur, un arbre, un petit coin de nature au milieu de ce béton, de ces murs qui cachent l’horizon. Son esprit s’évade vers d’autres cieux, elle repense à ses vacances, à ses voyages, elle prépare ses prochaines escapades, elle les anticipe, les rêve et les savoure à l’avance, mais quel que soit le lieu où elle ira, elle reviendra à Paris.

Lola sait qu’elle va refuser cette promotion exceptionnelle au siège de la maison mère basée à Montréal, car sa drogue à elle, c’est la capitale de la France, la plus belle ville au monde.

Brigitte Charles

SAM 0045

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31 octobre 2012 3 31 /10 /octobre /2012 00:00

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Dans le Cercle


Marie vient de laisser tous ses repères : elle est arrivée dans le petit village ensoleillé en cette fin d’été, avide de tant de nouveauté. Le gros camion de déménagement a déversé son flot de cartons de toutes tailles dans la grande maison qui prend vie peu à peu, au fur et à mesure que chacun retrouve ses affaires et ses trésors.

Bien des choses restent à installer, mais l’heure de la rentrée des classes a sonné et Marie découvre avec beaucoup d’émotion sa nouvelle école. Rien à voir avec les bâtiments clairs et avenants de celle qu’elle fréquentait là-bas ! Ici les hauts murs de pierres sombres offrent une mine sévère, bien assortie à celle de sa nouvelle institutrice : cheveux tirés, col serré et des lunettes rondes par-dessus lesquelles elle inspecte « sa nouvelle » d’un air inquisiteur. La phrase de morale du jour est déjà inscrite au tableau en lettres appliquées : « La persévérance est la condition du succès ».

            Malgré des appréhensions bien légitimes, la première partie de sa matinée se passe plutôt agréablement : cette maîtresse explique bien la vie des grillons et Marie aime apprendre. Soudain, une sonnerie stridente retentit et fait sursauter les trois quarts des élèves : elle annonce la récréation. Marie sort timidement derrière ses camarades  espérant croiser un sourire ou une parole accueillante. Sur la cour, une grande bringue tout échevelée l’interpelle vivement : « Eh toi ! La nouvelle ! Viens voir par là ! ». Elle approche avec hésitation et se retrouve bientôt encerclée par une dizaine de filles de sa classe.

            « Moi c’est « Lola qu’a peur de rien »  reprend la meneuse du groupe. « Si tu veux avoir le droit de jouer avec nous, faudra aussi que t’ais un vrai nom, comme nous! Mais d’abord montrez toutes vos chaussures ! » Dix pieds chaussés d’espadrilles se pointent fièrement vers Marie qui contemple avec inquiétude ses sandales de cuir marron : elle avance un peu le pied : une panoplie de moues dédaigneuses s’inscrit sur les visages, qui se détournent bien vite.

            « Ici, pas d’espadrilles, pas le droit de jouer avec nous ! » Marie a l’impression de se liquéfier sur place : elle n’a jamais eu d’espadrilles ; même le mot est nouveau pour elle ! Elle rejoint alors le grand tilleul qui semble bien être la seule présence amicale sur cette cour  hostile.

            Le lendemain, Marie arrive assez fière, avec aux pieds ces drôles de chaussures de toile rouge. Heureusement que ses sandales de cuir n’en pouvaient plus :  cela lui a permis de convaincre sa mère d’aller d’urgence en acheter. La boutique du village est une vraie caverne d’Ali Baba: on y vend de tout ! La commerçante enthousiaste l’a bien aidée en disant haut et fort  que « Oui, oui, on porte ça ici pour l’école. »

Marie, sûre de son succès, attend impatiemment la sonnerie de la récré ! 

            Le cercle des filles guette sa sortie : Lola l’autorise à s’insérer puis chacune est invitée à pointer son pied : ouf ! ça passe : la satisfaction se lit sur tous les visages.

« Bon », reprend « Lola qu’a peur de rien » : « ça, ç’et OK. Mais t’as pas encore ton vrai nom ! »

« C’est quoi un vrai nom ? » demande timidement Marie.

« Ben, c’est un vrai nom : le mien c’est « Lola qu’a peur de rien », elle c’est « Chloé qu’aime Jules en secret » et elle « Julie qui collectionne les papiers de bonbons …. C’est ça un vrai nom ! Mais pour mériter le tien, tu dois réussir ton épreuve. »

Lola tend à Marie une petite boîte de fer rouillée qui renferme quelques minuscules rouleaux de papier. « Allez pioche ! » dit-elle, « mais choisis bien ! T’as droit qu’à un » Marie se saisit timidement de l’un d’eux. Son cœur bat la chamade. Elle a envie de fuir d’ici, de retourner vite là-bas, là où ses vraies amies sont restées … Elle déroule le papier et lit avec consternation : « Rantre den l’au san te mouyer » … Mais c’est insensé ce truc ! Elle ne sait pas… elle réfléchit … mais non, rien ! C’est trop nul …

« Bon, demain, il n’y a pas classe », reprend Lola. «  Mais t’as intérêt à trouver la solution pour jeudi ! »

Que c’est bon d’être mercredi : un vrai jour de liberté ! Pas d’école, pas de trouille … Marie meurt d’envie d’aller faire un tour dehors, une vraie promenade.  Mais sa maman est trop occupée avec tous ces cartons. Alors, elle fait semblant de regagner sa chambre en annonçant bien fort : «  J’ai plein de devoirs à faire et mes dessins à terminer …Pas question de me déranger ! » Mais elle se glisse discrètement dehors, sans être vue ni entendue, et part à la découverte du petit-bois qui l’appelle depuis des jours de l’autre côté de la route. Ses parents ne l’autorisent pas à sortir seule, mais ils n’ont jamais le temps, alors, tant pis! Elle se faufile entre les arbres, le sol est déjà jonché de feuilles mortes, et ça sent l’humus et l’aventure. 

Après quelques minutes de marche, les arbres se desserrent soudain et Marie aperçoit  une haute muraille de pierre crayeuse. Elle s’en approche, attirée par une faille qui semble l’inviter à traverser le mur. Elle pénètre ainsi avec prudence dans une grotte sombre et mystérieuse. L’atmosphère est humide, de l’eau ruisselle silencieusement sur les parois. Tout en haut, une petite ouverture laisse passer un bout de ciel. Marie remarque alors ce halo, ce cercle de lumière sur le sol, comme un O parfait. Amusée, elle vient se placer au centre : un large sourire illumine son visage. Mais oui … c’est ça ! Elle jubile : demain elle va les épater, toute sèche au milieu de son O tracé dans le sol de la cour…

Sur le chemin du retour, Marie réfléchit déjà à son vrai nom : « Marie la futée », ou « Marie qui vient de loin », ou « Marie qui n’a pas peur du noir »,    ou … On verra bien !

Ackane

 

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18 août 2012 6 18 /08 /août /2012 00:00

      DÉPART

 

Je suis partie dans ma voiture couleur lagon

Chargée comme un wagon

Vers l'aventure de l'écriture

N'y suis pas allée par 4 chemins

Choisi le plus sûr

Pour m'offrir une parenthèse de vie

Loin des turbulences, goûter la nonchalance

De nouvelles expériences

 

J'ai roulé roulé

Autoroute dense

Roues dans la cadence

Après Nantes, coups d’œil furtifs et réguliers

Bonnes directions sur mon papier

Plaisir de sortir de l'autoroute

Senteurs boisées que je goûte

Jusqu'à l'arrivée

Au Roc Saint André.

Bénédicte


Les caravanes passent, et puis un jour se posent,

ici ou là... j'irai y dormir, et puisque j'ai le choix,

je dormirai dans la bleue toute rouillée qui grince quand on la touche,

je dormirai dans la blanche pimpante aux rideaux rouges et aux papiers passés,

je dormirai dans la brune bohémienne au milieu des dentelles et des volants,

je dormirai dans la jaune soleil qui illuminera mes nuits,

je dormirai dans la blanche et noire comme les touches d'un piano,

et puis je dormirai à la belle étoile, pour ne rien perdre de la nuit.

RB 


 J'ai envie d'éclabousser de couleurs les murs nus et remplir les espaces vides...

Je suis toujours prête à embarquer avec des moussaillons sur des radeaux bricolés pour aller chercher avec eux les clés qui ouvrent des horizons ou découvrir un lac au coeur d'une île proche...

Je voudrais diluer le temps et l'espace pour me replonger dans l'Histoire, nager sans frontières d'un pays à l'autre et louvoyer au gré des courants, embarquer les amis perdus de vue...

Avec toujours l'espoir d'une surprise au bout de la ligne, d'un mot à boire ou à goûter, d'un geste à fleur de peau,

Et toujours de l'amour qui mouille qui ruisselle qui déborde, qui pleure qui rit et qui rugit, qui dort dîne, qui lave essore rince et rafraîchit, et qui jamais ne s'évapore...

RB


J'ai dérangé le grand héron perché sur un chêne.

     Chute d'un gland...

Il a pris son envol majestueux et traversé le canal.

     Rond dans l'eau d'un brochet...

Il a remonté le courant et s'est perché sur le plus haut peuplier.

     Ronde silencieuse d'une feuille...

Puis il est reparti vers le grand pont de pierre et a disparu au-delà du parapet.

     Tourbillons d'eau autour de la barge...

J'ai suivi des yeux la longue péniche , imaginé ses voyages au long cours entre deux ports, ou deux pontons.

     Reflet vif argent sur l'aile de la libellule...

Une goutte est tombée, puis tout le ciel en un instant qui a changé.

     Tout est devenu gris de plomb. 

RB


Orangeallô, le pays liquide où l'on ne se noie pas / un pays doux et sucré / une bulle d'eau qui ne pétille jamais / un coin frais et secret qu'il faut deviner / 

C'est un pays d'eau, qui ressemble à un étang entouré de roseaux. Ce n'est pas un pays vert comme on pourrait le penser, car il n'y pousse que des orangers, chargés toute l'année de gros fruits éclatants. Et justement, c'est la couleur orange qui distingue l'endroit et ses habitants qui, à première vue, se ressemblent tous: de la taille de têtards, ils savent tous nager, puisqu'ils vivent dans l'eau; lorsqu'ils en sortent, ils portent un chapeau (orange bien sûr) pour se protéger du soleil, et des sabots (orange aussi) pour protéger leurs pieds tendres. Comme ils se nourrissent principalement d'oranges, leur peau naturellement translucide a pris une teinte cuivrée. Ils consomment également les plantes et herbes aromatiques qui poussent autour de l'étang : menthe, épilobe, iris jaune, massette, nénuphar, alchemille, consoude, guimauve, saponaire, tanaisie, valériane, pissenlit, liseron ou saule. La récolte est abondante, mais très codifiée : chaque famille n'en récolte et n'en consomme qu'une seule variété ; ainsi se reconnaissent-elles entre elles à l'odeur qui émane de leur peau. Ils sont généralement pacifiques, sauf lorsqu'un intrus pénètre dans leur espace liquide. C'est le cas par exemple si d'aventure une grenouille y fait irruption. La flegmatique grenouille verte est pour les Allôranges l'Ennemi Public n° 1 !!!

RB


Pifco, Prince au pays de l'Orangeallô

Pifco se promenait un soir de pluie en lisière du bois de bouleaux blancs lorsque son pied glissa sur le bord d'un fossé. Il dévala une longue pente et se retrouva au beau milieu d'un minuscule étang noyé dans les massettes et les roseaux. Il ne savait pas bien nager et il but la tasse en touchant le fond. Mais c'était peu profond. Il prit une respiration en émergeant à la surface et s'aperçut alors que l'eau qu'il avait bue était sucrée, comme une orangeade. Il avait soif et c'était bon.

Soudain, autour de l'étang apparurent des dizaines de petits êtres vert glauque coiffés de chapeaux orange, qui s'agitaient sur la rive en criant "Tico! Tico", tandis qu'autour de lui nageaient en tous sens d'autres dizaines de petites créatures semblables à des têtards. Ils ne semblaient pas menaçants, cependant. Quelques-uns poussèrent une coque de noix dans sa direction. Fatigué, Pifco accepta le radeau et s'y installa. 

Alors les têtards le firent pivoter, tourner, tournoyer comme un derviche au milieu de l'étang. Il en eut la tête et le coeur tourneboulés ! Il était au bord de la nausée lorsque d'un coup le manège s'arrêta. Il entendit alors une acclamation générale et on le porta en triomphe tel un roi vers la rive. Puis on le baptisa: Tico Primus, Prince des Allôranges au pays de l'Orangeallô. Car c'est ainsi que se nommait ce petit pays étrange peuplé de farfadets verdoranges, qui venaient d'adopter et de couronner notre Pifco. 

Il paraît qu'il s'y trouve tellement bien qu'il y vit toujours en monarque. Il ne fait rien d'autre que se pavaner, quand tous les jours on lui fait faire le tour de l'étang sur sa coque de noix. Il se gave d'oranges, il boit du vin de tanaisie, bref il mange tout ce qu'on lui offre. Il est devenu rond comme une bille ! Vous ne serez pas surpris si je vous dis qu'il porte aujourd'hui une longue barbe d'un beau roux flamboyant, tout comme ses cheveux, qui conforte son image de patriarche...

RB

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13 août 2012 1 13 /08 /août /2012 00:00

 

 

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Chez le poète-ferrailleur

 

Est-ce le mot "poète" ou le mot "ferrailleur" qui m'a attirée ?

Poète sûrement. Ferrailleur sans doute. Ou la collusion des deux. En fait, la première fois, c'est le mot "musée" qui m'y a fait amener des gamins en visite. Ce ne serait pas en tout cas un musée barbant ! Parce que dans l'idée que je m'en faisais, ça devait être un domaine destiné aux enfants. Et là, sur place, je me suis laissée prendre dans le mouvement des roues et des hélices, des cling! ding! klong! et whizzzzz! J'ai embarqué sur les rêves du poète. Depuis, j'y suis revenue. Toute seule...

RB


 

La roue du poète-ferrailleur

   

Je crois que je me suis arrêtée devant la seule roue qui ne tourne pas ici.

C'est sans doute cette immobilité, cet enfouissement qui m'ont attirée. Et puis je la trouve belle à émerger ainsi, à demi-nue, à nous montrer ses courbes. Je la trouve presque alanguie.

Instinctivement, j'ai eu envie de regarder sous la terre. Y-a-t-il sur le métal la même rouille ?

Y-a-t-il toute la beauté, toute la vie qui explose à la surface dans des ruissellements, des mouvements, des tintements ? J'imagine que oui. Il n'y a pas plus de solitude en-dessous qu'au dessus.

J'imagine des armées de fourmis, réunissant la force de leurs membres d'insecte, grimpant les unes derrière les autres sur l'arc de cercle immergé, sans jamais s'arrêter.

Je les imagine dans une quête qui leur serait propre, qui s'afficherait en quelques mots aux frontons de leurs monuments souterrains, en lettres de terre étincelantes : " démarrer sur les chapeaux de roue !"

Et toutes, dans la magie de ce mystère affiché, se lancer ensemble et seule à la fois à l'assaut du métal immobile, petites héroïnes invisibles, sacrifiant leur vie peut-être dans la quête de cet impossible mouvement.                  

   

                                                                                     Kathy


 

             Il était parti tôt le matin, à l’heure où le soleil, encore absent, teinte de rose le firmament et fait reculer la nuit. Pour faire décoller son engin, il avait mouliné de toute la force de ses bras, inconfortablement assis dans sa coque de métal.

            Avec moult grincements, le mécanisme s’était enclenché. Malgré la sueur qui ruisselait sur son front, levant la tête, il avait suivi le mouvement de la spirale au-dessus de lui qui, peu à peu, s’était mise à tournoyer. L’émotion l’avait étreint lorsque les roues lentement s’étaient ébranlées, mettant en marche sa si belle invention. Un instant son cœur s’était arrêté. Les roues… Les roues… Il avait bien senti quelque chose… Un trou, une ornière, un rocher ? Il en avait la certitude, l’axe avait bien vrillé, les roues étaient désormais désaxées !

L-inventeur-aviateur.jpg            Qu’importe ! Il avait rejoint la mer. Dans le silence de l’espace joliment rompu par le sifflement joyeux des ailes dans l’air frais de ce début de journée, tout en moulinant, moulinant, moulinant encore et encore, à ne plus sentir ses bras, il avait goûté là-haut, si haut, un magnifique instant de bonheur étincelant. Il aurait voulu que ce moment dure toujours, toujours, toujours.

            Une vilaine et douloureuse crampe le ramena à la réalité. Il était grand temps qu’il songe à atterrir. L’inquiétude le tourmentait. Comment ses jolies roues argentées, immobiles dans l’azur, telles des sœurs siamoises, accepteraient-elles la manœuvre ? Et puis, où atterrir ? Où ? L’océan à perte de vue, partout de l’eau, de l’eau, de l’eau… 

            Mais en bas, juste en dessous, un bateau à l’étrange équipage s’agitant, se perdant dans les mêmes gestes, au milieu de voiles de métal, et des roues, des roues, encore des roues qui tournaient, tournaient, tournaient sans fin…

Véronique


 

Il n’avait pas inventé la roue. Il faisait la route, sans y chercher fortune. Il dévalait les pentes, atteignait des sommets, contemplait l’horizon. Du soir au matin et du matin au soir, à la rencontre des choses et des êtres, il tentait de comprendre les rouages qui faisaient ainsi tourner le monde.

Véronique


 

Le singe vert

Vous êtes tout seul, enfermé dans la petite véranda de la maison écologique, au fond du jardin, caché presque à la vue des passants. "Bon, on y va ?" dit le papa à son fiston, qui ne vous ont ni l'un ni l'autre accordé plus d'un rapide coup d'oeil. C'est vrai que vous n'êtes pas gai, Monsieur ! Pourtant, il y a des enfants qui vous appellent "le singe". C'est drôle, un singe ! D'habitude, ça fait rire les enfants. 

Vous, vous marchez. C'est tout. Et puis vous vous arrêtez. Chaque fois qu'un visiteur un peu plus curieux vient à pousser le bouton, vous repartez. De votre pas pesant, accablé de soleil, chargé comme un mulet de votre éolienne et d'un lot improbable de casseroles, poêles et ustensiles variés qui clonquent et clanquent, en ahanant, vous avancez sur place, la tête penchée presque à tomber. Et tournent l'éolienne et sa roue, et ses pales, et l'engrenage qui meut la chaîne de vélo qui vous tire encore un effort, encore un pas devant... Vous me fatiguez, Monsieur ! 

Et pourtant, que de rêves dans votre caboche rouillée ! Que de projets fous vous aviez bâtis, étant jeune, dans ces années belles et rebelles de la "révolution" ! Qu'en avez-vous fait ? Qu'en reste-t-il ? Qu'est-ce qui vous fait avancer ?

Vous êtes un auto-portrait du poète, c'est écrit là, sur la porte : "Soixante-huitards retardés, éternels quêteurs un brin rebelles au monde gaspillant, créateurs de neuf, amoureux d'un Dieu braconnier, vous portez sur votre dos l'éolienne, symbole du vent libre et de gratuité". Vous nous faites un peu peur, Monsieur ! L'héritage est peut-être trop lourd ? 

Tourne la roue de votre destin... Vous marchez, et vos épaules se courbent et votre pas se fait plus lourd de jour en jour. Mais votre tête est légère. Vous marchez vers l'horizon de vos rêves, vers la ligne de front où se dressent fièrement les six moulins à vent que vous avez si fort défendus, au nom de la liberté.

Le soleil a tourné et l'ombre rafraîchit la petite véranda...

RB

 


CHEZ LE POÈTE FERRAILLEUR

 

Le mouvement du bruit dentelé saccadé

chavire mes oreilles

Tintements, voix, cris mêlés

Mes neurones se brouillent mais je me débrouille

Dans cet espace de magie, de féerie

Je me sens envoûtée

Le plus petit brin d'herbe est si fier d'être là

Figurant gracieux et généreux

Au cœur du spectacleDSC06412.JPG

 

Près d'une spirale

Quelques pétales de métal

indifférents au souffle du vent

Soudés définitivement

Le temps continue de tourner

On voudrait qu'il comprenne

C'est le moment de s'arrêter, juste quelques instants

Mais il pousse à la roue perpétuellement

De ses encouragements on peut être friands

et admirer inlassablement les trouvailles éraflées, écaillées

Ferrailles magnifiées, nées d'une seule tête

Celle d'un poète.

Bénédicte


 


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12 août 2012 7 12 /08 /août /2012 00:00

cabane-discrete-281916 

 

Dans ma maison, vous ne viendrez pas par hasard,

elle est sur votre route

et si elle vous appelle,

ne vous étonnez pas,

elle vous a reconnu(e)

ne lui résistez pas,

arrêtez-vous et entrez,

la porte sera ouverte.

J'y suis arrivé(e) comme vous, un soir,

j'allais passer,

elle m'a fait signe,

c'est le destin

ce n'était pas le hasard...

RB

 


 

Ma maison

 

Dans ma maison, j'ai tout changé.

Les rideaux blancs, bien repassés, j'en voulais plus.

J'ai mis les orange avec les fleurs bleues dessus.

Tous les cailloux, les beaux, les carrés, les bien choisis,

Ceux qui me montraient les pas à suivre dans l'allée,

Je les ai arrachés et les belles herbes ont poussé.

Et puis la pelouse derrière, je l'ai piétinée.

J'ai couru, j'ai sauté, j'ai roulé, je me suis bien marré.

Il y a encore maintenant la trace de mon corps, là où

je me suis allongée.

Vous verrez quand vous viendrez.

Dans la penderie, j'ai décroché tous les habits,

Et je les ai mélangés, chemise verte avec pull rayé,

Jupe jaune avec gros bonnet,

C'est bien, tous les jours je peux me déguiser.

Et puis dans ma maison je me suis couchée

Les fenêtres ouvertes, les volets pas attachés,

D'ailleurs demain, je les repeins et sur ma maison je dessinerai

Des cocotiers, des mers bleues, des rochers ensoleillés, des cascades,

Des sourires, des échiums comme sur l'île de Bréhat, des hortensias,

Des magnolias, des chaises longues, des fusées, des péniches, du vent

Et de la légèreté.

 

Dans ma maison, je dors encore

Et doucement vient l'aurore.

 

                                                                           Kathy

 


 

                J’ai trouvé ma cabane à l’orée d’un bois, accrochée au flan d’une colline. Ses planches de bois bruns verdies de mousse et de lichens se confondent aux troncs des grands pins qui la bordent.

                Au plus fort de l’été, quand la chaleur terrasse tout alentour, je grimpe tout là-haut, transpirante, ruisselante et vais chercher le vent. Certains jours, je cède à mes envies de rouler et bouler tout en bas, faisant fi de la voix paternelle, qui pour me l’avoir si souvent seriné, résonne encore en moi. « Cesse de faire l’andouille, tu finiras par te tuer ! ». Andouille et pommes de terre ! Non, non, non ! Je ne repose pas cent pieds sous terre, mais sur l’herbe verte, et je respire. Je respire… Je respire… Enfin ! J’imagine un ailleurs, un autrement à vivre, pour le plaisir. Je m’étonne, m’émerveille et savoure de délicieux instants. Le soleil sur ma peau, un souffle d’air comme une caresse, une coccinelle au bout de mon doigt qui prend son envol, un scarabée aux reflets bleutés qui, besogneux, se fraie un chemin parmi les feuilles…

                Ma cabane n’a qu’une fenêtre égayée de rideaux fleuris, rouge délavé. La porte, qui ne ferme plus, est ouverte aux 4 vents. Contre la façade, au milieu des fleurs sauvages, un banc me tend les bras. C’est là, quand vient le soir, à l’ombre d’un cerisier, que je t’attends.

Véronique

 


 

J’aurai jamais une maison dorée, ça me fait mal à la tête toutes ces clefs à tourner pour en sortir.

J’ai rarement une maison fermée, car si la fée ménage voulait entrer, je ne supporterais pas qu’elle trouve porte close.

J’ai parfois une maison carton, c’est ce qu’il y a de mieux pour déménager rapidement.

J’ai régulièrement une maison vieille et moche quand l’oubli que tout n’est qu’illusion me cloue d’amertume

J’ai souvent une maison qui pétille quand je m’enivre de Lambrusco fresco.

Et j’ai toujours une maison fleurs pour être cueillie à la rosée du matin. 

 

Patricia

 



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14 avril 2012 6 14 /04 /avril /2012 00:00

at ecriture 011


A peine ai-je le dos tourné que je l’entends. L’Arbre. Le vent qui annonce la tempête a beau mugir, rugir, moi, je l’entends bien. Il a une belle voix de basse. Grave et profonde, elle me donne envie de faire demi tour et de coller mon oreille contre son écorce. Ma tête contre l’Arbre, l’oreille aux aguets, je guette et espère cette voix qui résonne et vibre jusqu’à moi.

            Il me raconte son histoire. Il était né ici, au milieu des herbes, dans un champ où paissaient les vaches, d’une graine laissée par un oiseau. Il avait poussé là, avec toute l’ardeur de sa jeunesse, d’une sève bouillonnante et vive. Dès qu’il atteignit une taille honorable, des hommes étaient venus, lui avaient brisé les membres. Il avait pansé ses blessures année après année.

Souffrance de la sève qui s’échappe et coule telle des larmes.

Souffrance de solitude aussi.

 

            Un beau jour de printemps, le père François était venu. Ca en avait fait du remue-ménage ! A grands coups de barre à mine, il avait creusé la terre, tout autour de lui et planté de jeunes pousses en droites bien alignées. Dans le vent, au fil des saisons, le bruissement des feuilles avait fait jaillir mille voix juvéniles et volubiles. Les peupliers, dans leur folle jeunesse, se montraient de fieffés bavards ! Ils avaient peu à peu grandi, l’avaient rejoint en taille, puis l’avaient allègrement dépassé.

            Aujourd’hui, leurs têtes rejoignaient le ciel, quand lui, mutilé encore et encore, s’épaississait. Leurs voix étaient devenues plus douces, plus lointaines aussi. Du haut de leurs cimes, ils lui racontaient les paysages lointains, les paysages qu’il ne verrait jamais.

Alors il rêvait.

Alors, il était heureux.

Véronique

 


 


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14 avril 2012 6 14 /04 /avril /2012 00:00

  DSC05278.JPG

 

«  Avec un claquement sec l’arbre se referma sur moi. »

Je ne sais pas ce qui m’était passé par la tête. C’était insensé cette histoire ! J’étais parti tôt ce matin, avec comme à mon habitude un panier au bout du bras, un couteau au fond de ma poche. C’était devenu un rituel. Sitôt réveillé et débarbouillé, je sifflais mon chien et nous partions dans la forêt, lui, à la recherche de quelques pistes odorantes, moi, avec l’espérance de trouver quelques trésors… fraises des bois, champignons, pierre lisse à rouler sous les doigts, feuilles d’automne rouille et or, bout de bois à tête d’homme ou d’animal.

Pour rompre avec la monotonie qui me gagnait à emprunter jour après jour le même chemin, j’avais cette fois-ci bifurqué sur un petit sentier qui m’enchantait, couvert des herbes hautes et si vertes du printemps, parsemé de bouquets de fleurs sauvages blanches et bleues.

A force de virer dans le sous-bois, tantôt à droite, tantôt à gauche, je m’inquiétais de ne plus pouvoir retrouver mon chemin. Alors que je songeais à faire demi-tour, j’étais tombé nez à nez avec cet arbre étrange. Je n’en avais jamais vu de pareil. Impossible d’en déterminer l’espèce. Il ne ressemblait en rien à tout ce que je pouvais connaître.

… … …

VLG


 

   Avec un claquement sec, l’arbre se referma sur moi.

 at ecriture 022

A l’intérieur il faisait noir, mais, levant les yeux, j’aperçus comme un hublot, sûrement cette espèce d’œil de cyclope que j’avais vu sur cette énorme tête aux tentacules effrayantes.

Pourquoi m’étais-je approché ? Pour trouver la cachette des contrebandiers, mais … pas de trésor.

Je m’habituai progressivement à l’obscurité et trouvai le moyen de grimper jusqu’à cette fenêtre cicatrisée. Passant la tête par ce trou, j’entendis hurler.

J’avais fait peur à un sorcier, qui se mit aussitôt à conjurer les esprits maléfiques qui peuplent ces contrées et peut-être nos pensées ?

Je sortis et me retrouvai libre sur le chemin. Je me remis en marche.  

 


 

Avec un claquement sec, l'arbre se referma sur moi. L'arbre blessé, coupé, meurtri se vengeait. Je regardai le ciel et vis ses longues branches au feuillage tendrement verdi. Déformées par le temps, elles firent glisser mon imagination vers ce passé lointain où les hommes harassés se réchauffaient près d'un ardent feu de cheminée. Mais soudain, l'arbre frénétique se mit à gémir, à craquer et le vent s'engouffra si profondément dans ses fissures que j'entendis des oiseaux affolés fendre l'air ! L'arbre bougeait, se tortillait et...bascula. Son écorce craquela très sèchement et se fendit avec force. Je sortis libre de l'emprise de ce sauvage !


 

at ecriture 019

 

 Avec un claquement sec, l’arbre se referma sur moi.

Je croyais avoir ouvert de multiples portes, je croyais avoir activé les bourgeons qui sommeillaient en moi. Mes racines étaient allées puiser dans la mémoire ancestrale de ce lieu magique, et voilà pourtant qu’aujourd’hui j’étais prise au piège.

Les chemins habituellement empruntés par ma mémoire ne me permettaient plus de m’échapper, de m’évader.

Enfermée dans l’arbre, il fallait réussir à trouver une graine, la faire germer, et suivre le chemin conduisant vers la lumière, vers d’autres possibles.

Il faudrait ensuite laisser mûrir le fruit de mon imagination.

 


 

« Avec un claquement sec l'arbre se referma sur moi... ». Désormais tout était possible : y croire ou ne pas y croire, craindre ou oser, chercher encore ou renoncer, creuser, vider, pleurer ou crier , protester, refuser.

 Je ne savais plus vraiment si je souhaitais sortir ouDSC05277 m'emmurer vivante, savourer l'inattendu ou refuser l'évidence du présent...

 Avec un claquement sec l'écorce se déchira autour de moi. Pour m'inviter...

Autour de moi ce paysage ne m'était déjà plus familier; ces tiges jumelles aux bras ouverts, blancs, nus et tristes aux racines invisibles, insoupçonnables. Ces bras reliés par une étrange cachette verticale me déroutaient...

J'y suis restée comme je m'y étais arrêtée, par surprise ou par curiosité, emprisonnée sans clélibre de me retourner ou d'avancer encore... puis... la lumière est revenue de l'autre côté de la clôture.

 

                    

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12 avril 2012 4 12 /04 /avril /2012 00:00

Atelier avril 2012


Trouver un nom pour un personnage. Faire un acrostiche qui détermine ensuite des traits de caractère. Et imaginer la maison du personnage.


Petite
Active
Solitaire
Sereine
Enjouée
Rêveuse
Élégante
Libre
Légère
Étourdie

On me rajoute Émancipée


Passerelle et sa maison


Dingding ! dingding !
C'est déjà l'heure pensa Passerelle, et elle abandonna à regret son petit pont préféré sur le grand bassin à poissons rouges et traversa le parc pour rejoindre le cabinet de toilettes avant de passer à la salle à manger du château.
C'était bien là chez elle, mais elle ne connaissait pas les caves, les celliers, les salons, les boudoirs, les greniers. Les domestiques occupaient l'aile gauche et les greniers; les jardiniers la petite maison au fond du parc. Passerelle avait beaucoup de jouets : des poupées de porcelaine, des dinettes en faïence, des livres animés, mais cela ne comblait pas son côté rêveuse et libre.
Son grand plaisir, c'était de vivre un peu comme la Sophie de la comtesse de Ségur , à courir dehors, faire quelques bêtises , et surtout elle était passionnée par les poissons rouges du bassin.
Là, solitaire, elle était dans son monde à elle.
Les poissons, elle les observait, leur donnait à manger, leur faisait peur, les appelait.
Son univers, c'était cette passerelle jetée sur les deux rives du bassin, une passerelle comme celle du jardin des plantes, qui imitait le bois, avec ses écorces, ses veines, ses branches. Une drôle de passerelle en ciment.
Viens me voir petit poisson!
Toutoum toutoum!
N'ayez pas peur petits poissons!
Elle tapote l'eau, l'agite avec un bâton, jette une pierre dedans.
Où êtes-vous petits poissons?
Elle débordait d'activité et riait de façon enjouée en regardant les ronds dans l'eau.
Elle qui était rêveuse imaginait pour elle cette légende du poisson qui sort sa tête de l'onde pour apporter dans sa bouche la bague du beau chevalier servant.
Il sera comment?
Sûrement très beau, très riche et très intelligent.
Elle interrogeait sans relâche les poissons sur son avenir.
Si c'est un gros poisson que je vois d'abord, il sera brun.
S'il arrive de la gauche, c'est pour bientôt.
Elle trichait un peu avec les morceaux de brioche ramenés du petit déjeuner.
Petit poisson, réponds moi !

 

Jean-Yves

 


 

Gaillard

U

Serein

Tranquille

Assis

Vieux

Esseulé

 

Dans ma tête, sans même savoir où Clodine nous conduira, se dessine le bonhomme…

Ma voisine a pour tâche d’ajouter un adjectif. Elle peut aller dans mon sens… ou pas !

 Voici ce qu’elle me propose :« Gustave est serein – certes – usé sans doute – tranquille : hum ! Je demande à voir… Il est souvent assis sur sa chaise, mais moi je pense que c’est un vicieux avant tout. Et s’il est esseulé, c’est qu’il l’a bien cherché. »

Voilà qui est piquant !!

 

GUSTAVE

          En arrivant chez lui, on est charmé par les abords de sa demeure. Souvent on le trouve là, assis sur un banc, se chauffant le dos contre les pierres tièdes de sa maison. Au milieu de l’herbe touffue émergent au printemps des multitudes de pâquerettes, parmi lesquelles quelques narcisses ont trouvé leur place. Le cerisier en fleurs héberge deux, trois mésanges bleues. Il est animé du bourdonnement des insectes qui viennent visiter ses fleurs blanches et odorantes. Le vent agite les branches. C’est dans cet air doux que Gustave, d’un air tranquille et serein, l’air de rien, regarde passer les chalands, son regard s’attardant tout particulièrement sur la croupe des passantes.
          Quand on passe la porte, c’est un autre monde qui s’ouvre à soi.
       Chez lui, seules les mouchent viennent rompre le silence. Une vieille odeur de tabac froid nous rappelle qu’il aime à garder en bouche de vieilles Gitanes maïs au papier jauni, toujours éteintes. La pénombre envahit les murs, les moindres recoins. La vaisselle, laissée là sur la table, traine encore de la veille. A l’entrée, de vieilles charentaises éculées attendent dans un coin. On est surpris de découvrir ça et là, punaisés sur le mur quelques calendriers de camionneur exposant impudiquement les formes généreuses et parfois outrancières de pépettes à moitié dévêtues.  Ca crée comme un malaise. Rien n’est net en ces lieux. On commence à s’interroger un peu. Gustave ? Le bonhomme ne colle pas à son intérieur.
         Gustave est un vieil homme d’allure sereine. Sa vie est derrière lui. Il est à l’abri du besoin. Il est usé par des années de labeur. Jadis il avait martelé, vissé, percé, alésé, nettoyé, cloué, frappé, jeté, porté. Il était alors un vrai gaillard. Il avait fait tous les métiers. Ses mains en témoignaient.
        A l’heure d’aujourd’hui, assis sur son banc, ses mains inutiles tremblantes sur ses genoux, il passait le plus clair de son temps à regarder, épier, zieuter, lorgner, reluquer, observer, par en dessus, par en dessous, les femmes qui passaient devant la barrière blanche de son jardin.
       Il se sentait bien esseulé, mais sans doute le méritait-il. Ce travers-là, son regard, comme aimanté sur les formes arrondies des demoiselles, ça le tenait depuis toujours. Plus d’une fois on l’avait traité de vicieux. Même avec une fiancée à son bras, son regard s’échappait. Ses yeux presque involontairement s’attardaient, s’appesantissaient, s’agrippaient, se collaient sur la peau, les seins, les croupes, les bras dénudés à la peau blanche.
       Au jour d’aujourd’hui, il pouvait bien faire illusion, petit père tranquille et innocent, assis sur son banc.
       Dans sa tête, jour après jour, dans la tempête de son crâne, derrière le bleu de ses yeux vagabonds, ses pensées ne le lâchaient pas.
       Ha ! Avec ces mains-là, , plutôt que de clouer, scier, marteler, il aurait donné cher pour pouvoir caresser, effleurer, étreindre, empoigner, voire même égratigner, pincer.

  Véronique

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21 mars 2012 3 21 /03 /mars /2012 00:00

 

 La Posso (5)         Posso (3)

 

"Pourquoi la toue de Cathy s'appelle l'Herminette ?
Je vais vous dire...

C'est à cause d'une petite hermine que sa grand-mère, vivant en bord de Loire, avait comme animal de compagnie et avec laquelle Cathy, jouait des heures quand elle venait en vacances.

En souvenir de cette petite bête adorable qui l'embarquait dans des rêves de grands espaces et d'aventures, elle appela son bateau "l'Herminette" et maintenant, son rêve devenu réalité...au fil de l'eau, elle vit une belle aventure ! "

Clo Th.


Histoire avec :

Fils du vent - l'herminette - murmure des flots - la quinte - la pucelle - la Grosserie

"Sur une île normande perdue dans l'océan, vivaient la fée Eolia et son prince Embrun.
De leur amour naquit un jour de grand vent, leur premier fils, un beau garçon, et la coutume voulait que l'on nomme le nouveau né selon les circonstances de sa venue au monde. Ainsi, Fils du Vent vit le jour dans le murmure puissant des flots.
Chaque matin lorsque Eolia partait en promenade avec Fils du Vent, une mélodie montait des ajoncs, mélodie qui reprenait à la quinte un cantique venu de la nuit des temps, cantique en l'honneur d'une pucelle, un peu sorcière, un peu magicienne que tout le monde dans la région vénérait pour sa beauté. Elle était sensée protéger les enfants de tout malheur.
Chaque matin donc, cet air mélodieux faisait comme par magie, sortir hors de leurs terriers, les blanches hermines qui logeaient sur la colline et que le prince affectionnait particulièrement. Ce lieu enchanteur appelé la Grosserie, à cause d'un énorme bloc de pierre placé là par on ne sait quel génie, semblait surgir de nulle part. Embrun aimait à regarder depuis le haut de sa tour, sa bien aimée et leur fils évoluant dans cette nature flamboyante et sauvage qu'il aimait tant...la mélodie arrivait jusqu'à lui tel un message de paix et d'amour.
Leur vie serait heureuse il en était sûr ..."

 
Clo Th. 


Des bipèdes attendent, à quoi veulent-ils échapper ? De quoi ont-ils peur ? Que fuient-ils ? Où vont -ils ?


"La
nuit vient de tomber. Le château est en flammes. Les Vikings viennent d'entrer dans la ville attaquant de toutes parts.
On entend des cris, des gens qui courent, qui appellent, des bruits de seaux et d'eau...
Dans les rues, le brouhaha grandit. Des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards se faufilent dans les ruelles ; leurs ombres dansent sur les murs en feu.
En bas près du fleuve une foule de plus en plus dense avance en longues files apeurées...
Avancer, avancer, ne pas s'arrêter, ne pas se perdre, ne pas lâcher la main des enfants, rejoindre les barques , les pauvres barques encore en état.
Enjamber les rochers, les fossés, se faufiler dans les grandes herbes, mais surtout ne pas tomber, ne pas rater son coup, sauter dans les embarcations et s'éloigner à la rame sans se retourner ! Quitter la cité embrasée, le malheur, les ruines, la guerre...se sauver, partir survivre à tout prix..."


Clo Th.


Un petit poisson...un petit...s'aimaient d'amour tendre...


"Sauter ! sauter hors de l'eau
, absolument sauter ! C'est l'heure !
Voici son amour qui passe dans le ciel et qui va se poser comme à l'habitude sur une frêle branche de roseau.
Tous les jours aux mêmes heures, ils se donnent rendez-vous.
Petite Poissonne se concentre, s'élance et bondit, bondit encore pour voir son amoureux, Bel Oiseau Bleu, qui le lui rend bien !
Chaque rencontre est prétexte à chanter, danser, tournoyer, se dire tellement de belles choses avec les yeux...prétexte aussi pour Bel Oiseau Bleu, à déposer sur l'onde, une fleur ou douce herbe, ou vermisseau pour sa Poissonne adorée, qui d'un coup saute encore et encore plus haut, toute éclaboussée de lumière, pour déposer un baiser tout doux, tout mouillé sur son bec enchanté !"

Clo Th.


    La Posso (4)  La posso 

Carte de visite de l'Herminette

"C'est un bateau tout en bois qui résiste au temps, la toue cabanée !
A l'intérieur on y trouve une table centrale flanquée d'une banquette moelleuse et d'un banc.
On s'y sent comme dans une maison miniature toute chaleureuse...avec tout ce qu'il faut pour le confort : placards, évier, réchaud, tout y est pour y bien vivre simplement.
De belles ouvertures laissent entrer largement la lumière.
Elle vous berce doucement pour vous emmener dans les plus beaux endroits au gré des flots.
A l'avant, sur un grand espace gazonné vous trouvez banquettes, table, sièges, de quoi vous installer pour rêver !
A l'arrière, une plate-forme plus technique avec coffres, vous permet d'observer le fleuve et de voir s'éloigner peu à peu les rives, le jour où vous prend l'envie de voyager..."


Clo Th.

 

Posso (2)

 

 

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15 mars 2012 4 15 /03 /mars /2012 00:00

Atelier mars 2012     

 

  La petite fille et la dame ou le monsieur épuisé

 

 

Vous voulez que je vous aide à traverser Madame ?

Oh oui je veux bien avec toutes ces voitures qui ne savent pas s’arrêter.

A nous deux, elles vont bien être obligées.

Avance, je te suis.

Ah, je préfère marcher à côté de vous

Oui, mais je n’avance pas vite.

C’est pas grave, on prend notre temps, moi je chausse du 33, maman m’interdit de courir pour traverser le carrefour.

Elle a raison ta maman, faut toujours obéir.

J’obéis presque toujours. Attention à la bordure. Vous voulez que je continue un peu avec vous ?

Oh je voudrais bien mais je n’avance pas vite, vois-tu.

J’ai le temps, maman rentre tard ce soir, et j’ai commencé ma lecture.

Y a personne chez toi ?

Ben non, j’ai ma clé, peut être que mon frère sera arrivé, mais il m’agace, il fait son grand,   il faut que je lui obéisse, et puis des fois, il veut pas que je regarde la T V . Faut pas le dire à  maman il me dit, oui, maman elle veut pas qu’on regarde la TV tout seul.

Ah tu vas trop vite.

Mais non je vais pas vite. Ludo, c’est mon frère, il dit toujours que j’avance pas et qu’il va me laisser là sur le trottoir.

Il est pas gentil ton frère ?

Si, mais il fait son chef

J’aimerais bien m’arrêter un peu.

Pour quoi faire ? Y a pas de banc ! Vous habitez loin ? Vous n’avez pas de voiture ? Vous n’avez pas de papa ?

Oh, en voilà des questions, et encore des questions. Tu es bien mignonne mais j’ai besoin de m’asseoir.

Ah bon ! Ben où çà ? Attendez, attendez, on va trouver un truc, si vous voulez je vous prête mon sac, on peut le mettre par terre.

C’est bien trop bas ma petite, je pourrais pas me relever.

Je vous aiderai.

Je suis trop lourde pour toi.

Ben j’ai 7 ans, j’ai de la force elle dit maman.

Donne- moi ton bras, je vais m’appuyer un peu.

D’accord.

Je ne vais pas pouvoir aller plus loin, je suis essoufflée.

Qu’est ce qu’on fait ?

Tu vois, c’est pas facile d’être vieux.

Maman, elle dit que les vieux ils sont jamais contents, qu’ils rouspètent tout le temps, qu’ils voudraient toujours   avoir 20  ans.  

 

Mimo

 


     Anaïs ! ANAÏS ! Veux-tu te tenir tranquille ?

Anaïs, viens ici ! Tout de suite ! Et donne-moi la main !

 

Fffff… C’est pas possible ! C’est pas Dieu possible ! Je n’aurai jamais du dire oui. M’occuper de cette petite quand j’avais tant de choses à faire en ville.Anaïs ! Veux-tu obéir ?

Ah ! Tout de même !

Excusez-la Madame, elle est intenable !

Anaïs, s’il te plait ! Je voudrais que tu restes assise, là, près de moi, le temps que j’essaie ces chaussures.

J’m’ennuie…

Un peu de patience ma chérie… Anaïs !!

(A la vendeuse) Je ne sais pas m’y prendre. Vous comprenez, elle n’est pas à moi cette petite. C’est celle de ma voisine qu’a du partir en urgence à l’hôpital vu qu’son mari s’était coupé le doigt.

Anaïs !!

Je n’en peux plus ! C’est plus d’mon âge ce genre de chose…

Allez ! Anaïs, viens ! J’ai fini. On sort. On va encore à la mercerie et après on rentre à la maison. Si tu es sage, je t’achèterai une sucette.

J’veux pas d’sucette ! J’veux des chichis !

Pffffffff…. Les enfants, maintenant ! Tout de même !

Anaïs !!!

Anaïs, reviens ici tout de suite !!!

Véronique

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