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18 mars 2015 3 18 /03 /mars /2015 00:00

Léa

 

Je roule depuis des heures, toute emplie d’une impatience joyeuse. En franchissant le grand pont de la Gironde, je commence vraiment à me sentir de retour chez moi. Ma chère maison est soudain là, évidente, après un dernier virage.

C’est une maison de pêcheur toute simple mais coquette avec ses volets rouges ; elle est nichée parmi d’autres au fond du Bassin d’Arcachon.

Quand le temps est clair, assise dehors sur le banc de bois, je contemple au loin, derrière les cabanes tchanquées, la Dune du Pilat, mystérieuse et un peu incongrue. J’imagine un nuage blanc tombé du ciel, ou bien je rêve d’une histoire de géant occupé à faire là son pâté de sable.

À Audenge, j’aime sortir de bon matin marcher le long du rivage et gaberner à la recherche des trésors oubliés par la mer. Puis, la faim venant, je m’arrête au bistrot de Geneviève déguster quelques huitres qui viennent d’être cueillies, tout en partageant avec mes voisins les rires et le petit verre de blanc. De retour chez moi, je m’installe confortablement, ferme les yeux et me prend à rêver … mon navire quitte le rivage et glisse sans bruit. Mon esprit s’évade et divague et le sommeil m’emporte bien loin.

Le centre du village n’est qu’à quelques centaines de mètres de ma maison, avec sa mairie, son église et ce qu’il faut de commerces. Pour m’y rendre je longe les cabanes de pêcheurs aux boiseries animées de couleurs vives et variées : bleu, vert, rouge … Mais la dernière maison, elle, est toute noire, et celle qui vit là intrigue tous les passants.

C’est en effet la maison de Léa, une petite femme très vieille et incroyablement voutée. Elle est vêtue de noir des pieds à la tête.

Les voisins se méfient d’elle : certains disent qu’elle sait jeter le mauvais sort. Personne n’ose lui parler mais chacun l’épie les rares fois où elle rentre ou sort de sa maison.

Impossible de savoir comment c’est chez elle : les carreaux des fenêtres sont noirs de crasse et j’imagine la tristesse de cette vie de solitude dans l’obscur.

Ceux qui ont aperçu un petit bout de chez elle par un entrebâillement furtif de la porte disent que c’est un vrai bazar là-dedans, qu’il y a des montagnes de tout et de rien accumulées sur le sol.

Léa me fait un peu peur … mais pas trop, quand même. J’ai pensé aller lui parler, et j’ai tenté un timide bonjour : mais les yeux rivés au sol, elle n’a pas semblé m’entendre. Le sillage malodorant qui la suis m’a vite dissuadée, je l’avoue, de poursuivre mon approche.

Pourtant il y a quelque chose qui m’attendrit beaucoup au sujet de Léa : quand elle se rend au marché, le mercredi matin, en tirant son vieux landau cabossé pour y jeter quelques légumes, elle porte sur ses habits noirs un collier rouge - pas un collier chic ou de valeur, mais un collier avec des perles de plastique, comme en font les petites filles. C’est très étonnant !

A-t-elle donc une âme d’enfant ? Ou bien est-ce le souvenir d’une petite fille qu’elle a connue et aimée ? Ou bien l’a-t-elle trouvé un jour en gabernant le long de la plage ?

Les voisins disent qu’elle a toujours habité là. Mais qu’en savent-ils ? Ils sont arrivés ici comme moi il y a quelques années et aucun d’entre nous ne connaît son histoire. Cela n’empêche pas les uns et les autres d’inventer des légendes à base de sorcellerie, de grands malheurs et de naufrages en mer. En tous cas, elle a dû bien souffrir, pour finir sa vie ainsi, si seule, perdue dans sa saleté.

Mais quand même, ce collier, n’est-ce pas le signe qu’il reste en elle un élan de vie … de vie de femme ?

 

Ackane

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4 mars 2015 3 04 /03 /mars /2015 00:00

 

balade-fleuve-pays-de-la-loire

 

Lise avait attendu la veille du départ du marinier pour lui parler de son envie de tout quitter. Elle était prête désormais, elle avait envie de voguer comme lui.

C’était l’été, le soleil était doux et  encore bas dans le ciel. Ses rayons étaient là pour dorer la peau et booster l'envie de démarrer. Lise avait laissé  derrière elle des amis rencontrés sur le port. Leur dernière soirée s’était déroulée sur leur voilier qui était amarré juste à côté. Elle s'était décidée il y avait quelques jours seulement à partir très vite désormais. Elle savait qu'elle avait des paysages à rencontrer, des personnages à découvrir et des gens à oublier.

Lise était une jeune femme brune à l'allure sportive. Elle avait une agilité naturelle qui la rendait presque aérienne. Elle s'était achetée une péniche et l'avait retapée. Ancienne, celle-ci avait  eu besoin de travaux conséquents, les années l'avaient attaquée mais ne l'avaient pas usée. Lise avait l'amour des bateaux et possédait des doigts en or pour les travaux. Sa patience et son labeur l'avaient récompensée.

Éole, sa péniche, ne demandait qu'à partir ! Elle semblait respirer sous les mouvements des flots de la rivière. Quand on la regardait, on pouvait imaginer, deviner  son âme. La rivière les attendait toutes les deux désormais.

 

Catherine M

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4 février 2015 3 04 /02 /février /2015 00:00
Il faudrait pouvoir l'oublier cette blessure qui ne veut pas se fermer.
La belle et lumineuse saison du printemps qui arrive va peut-être atténuer les maux.
Regarder le vert tendre des feuilles qui renaît,
Se dire que la nature qui se réveille peu à peu va mettre du baume à l'âme.
Décider que ce printemps là, sera une (re) naissance, une maturité trouvée, des envies revenues.
Profiter pour jeter toutes ses peaux abimées dans la grande boîte de l'hiver
La jeter loin, très loin,
Et renaître à la vie.
Michèle


Manivelle à la main, clé et chiffon graisseux dans une poche arrière du bleu, il prend le chemin qui descend à la rivière. Il vient de finir de tracter cette épave sur la plate-forme de son camion. L’accident remonte à deux jours et la voiture calcinée gisait encore au contrebas de la route. Les assurances ont demandé qu’elle soit remontée. Une enquête va avoir lieu. Mais ça, ça n’est pas son affaire ! Il a fait sa part du boulot !

Le soleil est au zénith et de petites rigoles de sueurs et de cambouis mêlés coulent le long de son cou jusqu’au creux de son dos. Parmi les hautes herbes qui jalonnent le bord du chemin, des cigales crissent à n’en plus finir. A mesure qu’il descend vers la rive, elles se taisent avant de reprendre leur chant sitôt qu’il est passé. Le sentier mène à une petite anse bordée de saules.

André, assis sur un vieux tronc que la rivière a poussé là, ôte ses chaussures. Précautionneusement, après avoir pris soin de bien remonter jusqu’à mi-jambe le bas de son pantalon, il entre dans l’eau qui lui parait glaciale. Après les premières secondes de saisissement, il goûte la fraîcheur qui coule sur ses jambes. Il se penche, trempe ses mains, les frotte l’une contre l’autre, puis d’un geste franc se mouille la nuque, Dieu que c’est bon, se frictionne le visage, les cheveux…

Un cri perçant dans l’air paisible du lieu…

André lève les yeux. Haut dans le ciel, une buse plane.

La fraîcheur à l’ombre des saules, les hautes herbes, les grillons, le murmure chantant de la rivière et la brise légère sont autant d’invitations. Il extirpe de la poche de son bleu un paquet de cigarettes tout froissé. De ses doigts calleux, il en extrait une, l’allume. Il s’adosse au tronc noueux et dans un soupir de contentement exhale la fumée bleue que l’air léger disperse aussitôt.

Carpe diem.

VLG


 

Oublier. Elle voudrait oublier, gommer cette blessure. Mais l’oubli ne se commande pas. Elle pourrait partir loin, sur un îlot de sable fin, rien n’y ferait. On peut tout larguer, pas ses souvenirs.

Elle ne pourrait effacer le malin et éblouissant plaisir de la fillette qu’elle était hier à lancer toujours plus haut son diabolo vers l’azur, pas plus qu’elle ne pourrait gommer le chagrin de la femme d’aujourd’hui qui l’entraînait chaque jour un peu plus bas.

Il est des saisons multiples dans la vie, saisons d’enfance, de rires, de pleurs. Elles font la ronde, jamais ne cessent.

Saison d’oubli n’existe pas, mais celle des rires reviendra.

VLG


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9 janvier 2015 5 09 /01 /janvier /2015 00:00

LA VENELLE

   

L'alignement de façades ocrées et chauffées au soleil est troué par l'entrée d'une venelle, ombrée par les hauts murs qui la bordent. 

Au fur et à mesure que l’œil s'habitue à la pénombre, et la peau à la fraîcheur du lieu, le promeneur découvre les brins d’herbe poussant entre les pavés inégaux ou surgissant de la moindre fissure, le lierre qui s'accroche à ce qu'il La-venelle.-09.01.2015-de-Reine-Martin.JPGtrouve...

Enjambant la muraille, une treille laisse apercevoir, parmi ses feuilles luisantes, des grappes aux grains à peine formés.

Le bruit des voitures s'estompe.

L'odeur du jasmin, les chants d'oiseaux, le chuchotement d'un tuyau d'arrosage laissent imaginer derrière ces murs, cette vieille porte de bois, des oasis de calme et de plénitude. L'envie vous vient alors, de vous poser et de savourer un petit moment de détente, loin des fracas de la ville environnante.

Il existe, aux deux tiers de cette venelle, sur la gauche, un portail qui, visiblement, n'a pas été ouvert depuis longtemps.

Pourtant, je sais qu'il fût un temps où il claquait au passage d'enfants rieurs, patins aux pieds ou cartable au dos. Où le grincement d'une balançoire faisait écho aux rebonds d'un ballon et où un gros chat noir, tapi sous le laurier, guettait d'un œil indolent les moineaux insouciants.

Au-delà de ces souvenirs que je me plais à enjoliver, d'autres remontent à la surface.

Cris et colères. Larmes et sanglots. Séparation et solitude. Le chat, un matin, disparu on ne sait où. La balançoire abandonnée. Le portail poussé par d'autres mains, inconnues.

L'éloignement, inévitable.

Mais, en fait, peut-être que, perché dans ce cerisier, ce chat qui me guette et m'épie derrière ses paupières mi-closes, est le fantôme ou tout au moins un descendant de mon matou enfui à jamais ?

J'aime à le croire.

R.M.

 

 

decorations-murales-ruelle-d-ange-30-40-2427123-angers-21-b.jpg

 

LA RUELLE


La maison était plantée à mi-chemin de la ruelle. Une fois passé le porche, si je tournais la tête à gauche, je pouvais presque deviner la campagne qui naissait, là-bas, en haut de la côte. Les maisons bien rangées se clairsemaient et les arbres, l’herbe gagnaient du terrain à mesure que l’on montait. Si d’aventure, on m’envoyait faire quelques courses, c’est vers la droite que je partais.

La pente était assez forte. Quelques maisons affleuraient le trottoir trop mince pour qu’on puisse y cheminer. Seuls les enfants à qui l’on donnait la main prenaient un malin plaisir à y tester leur équilibre. En face, bordant le macadam craquelé, un mur de pierres coulait vers le centre du village. De petits ilots de verdure avaient trouvé leurs places, çà et là, dans les interstices. Le premier magasin que je croisais arborait l’enseigne fraîchement repeinte de Radiola. Un peu plus bas, en m’échappant vers la gauche je déboulais sur la place de l’église. Ca faisait une trouée de lumière, d’espace, de ciel pour mes yeux d’enfant. En bas, tout en bas de la ruelle, j’apercevais  les voitures passer dans un sens ou dans l’autre sur la grand-rue.

Dans la ruelle, la campagne était plus proche que partout ailleurs. Les oiseaux s’en donnaient à cœur joie et l’été on y entendait même quelques cigales.

... ... ...

S’épaississant année après année, un vieux cerisier avait fendu le mur de pierres, y laissant une béance dans laquelle je m’étais glissé, une fois mes peurs vaincues. Je m’y faufilais sitôt revenu de l’école. Je trainais toujours. La pente ardue de la ruelle et mes jambes courtes étaient de belles excuses. Je me laissais distancer. À peine le dernier de mes frères avait-il passé le porche de la maison, que je m’engouffrais dans la brèche, éraflant au passage mes jambes nues. S’ouvrait alors à moi un monde de liberté et de solitude dans lequel je savourais chaque seconde.

Le jardin était abandonné, envahi par les hautes herbes. Un vieux rosier s’était élancé à l’assaut de la cime d’un magnolia et semblait s’envoler vers l’azur. C’est au pied de cet arbre que, l’été, j’aimais venir m’allonger, dans l’odeur chaude et sucrée de la menthe qui avait conquis le terrain. J’y déployai une vieille couverture sur laquelle je m’installais. Il ne s’écoulait pas une heure avant que quelque chat errant et craintif ne vienne prudemment s’aventurer sur ma couche pour s’y allonger à son aise. La tête à l’ombre, le corps dans la morsure du soleil, je passais là des heures, entre rêverie et lecture.

... ... ...

Après le village, c’est très curieux, le temps change de rythme. Tout s’accélère. Y a les voitures qui filent vers demain. Y a les parents qui vous lâchent la main. C’est très étrange, on n’y peut rien. Après le village, il y a la ville. On s’y entasse, on s’y bouscule. On court, impossible de ralentir. On s’y enlace, on s’y embrasse, premiers émois. On y espère, on s’y déchire, on croit mourir. Après la ville, une autre ville. Et puis une autre encore. On file toujours. Vers demain. Parfois même vers après-demain. On n’y peut rien, ce serait vain.

 ... ... ...

Et puis un jour, j’ai voulu revoir le village. Je n’ai rien retrouvé. La ruelle a changé d’allure. Plus de mur de pierres, plus de porche. Des pavillons ont poussé dans le jardin, sur les gravats de la maison. On n’y entend plus d’oiseaux. Le bruit de la ville a tout couvert.

 

Ma vérité est ailleurs…

Dans cette ruelle suspendue au cœur de mon enfance, la vie coulait hors du temps.

VLG

 

 

DANS LA VILLE

 

 

briancon-streetJe sors d’une ruelle et je me retrouve en bas d’une rue pavée dont la pente est bien raide. Tout au long de cette rue se trouve une rigole centrale qui permet l’évacuation de l’eau de la montagne, et par endroits, cette rigole est protégée et fermée par une grille. Cette rue se situe au cœur du quartier piétonnier.

Je me promène et longe les portes des maisons. Celles-ci sont en bois épais et sculptés. On imagine aisément la protection contre le froid ! De chaque côté de cette rue dont la montée est accentuée, se situent bistrots et petits restaurants multicolores. Certaines odeurs de cuisine s’échappent déjà et appellent à une pause gourmande.

La rue est animée. Les enfants se régalent de glaces italiennes savoureuses distribuées par des glaciers apparemment généreux !

Ici, il n’y a pas de bruit de circulation. Nous sommes dans le centre de la ville. Seules les fontaines et la rigole bruissent. C’est doux et reposant. Nous sommes à Briançon.

Il existe un tout petit troquet au bout d’une place d’où je peux entendre des chants distribués, en fonction de l’heure, par des musiciens de divers horizons. Ils s’installent sur le parvis de l’église et chantent. Ca sent l’été !

Cette ville est plutôt petite mais très attachante. Tout autour, je découvre de multiples routes qui m’emmènent côtoyer les sommets environnants. Les randonnées, les lacs, les panoramas et la quiétude de cette région m’apportent une saveur et des souvenirs dont je suis encore empreinte.

 Catherine M

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10 décembre 2014 3 10 /12 /décembre /2014 00:00

 

Hélène est appuyée contre le montant de la porte et Pierre, allongé, les vêtements un peu en désordre suite à l’examen du médecin, s’est assoupi. Elle l’observe…

Il dort la bouche ouverte. Un râle sourd monte de sa gorge. Un filet de salive que chaque expiration fait frémir reste là, en suspens, à la commissure des lèvres. Dieu qu’elle les a aimées ces lèvres…

Hélène soupire. Elle est si lasse. Elle a depuis longtemps accepté cette vie à prendre soin de lui, à le guider lorsqu’il s’égare entre la chambre et le salon, entre l’heure du repas et celle du coucher.

Toujours il se perd. Il la cherche, l’appelle de sa voix maintenant basse et trainante… « Hélèèène ! » Toujours elle est là, son île, son unique repère.

Hélène caresse Pierre du regard. Il dort, soupire dans son sommeil, marmonne quelque incohérence…

Le diagnostic a été posé depuis plusieurs années déjà. Au fil du temps, il est parti. L’homme qu’elle aimait, qu’elle aime encore, son homme, son homme à elle, a disparu. Ne reste que son ombre.

Hélène est appuyée contre le montant de la porte, incapable de bouger. Son cœur pèse trois tonnes. Trois tonnes d’amour et de chagrin…

VLG

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13 novembre 2014 4 13 /11 /novembre /2014 00:00

 

 

Je-me-suis-arretee-ici-pour--jpg

 

 

L'automne-ado.

 

L'automne ne sait pas ce qu'il veut.

L'automne est un adolescent.

Comme tous les ados l'automne subit les assauts de choses contraires.

- Jouer-bagarreur, à coups de châtaignes, de marrons, bing, bang !

Mais aussi

- Amoureux-romantique, caresse du vent encore chaud, frôlement des feuilles légères, moelleux de la mousse si fraîche.

L'automne est doux, rayonnant, calme autant que malin, voir insolent.

L'automne est adolescent.

Fonceur et peureux à la fois.

Face à son grand frère l'hiver, l'automne se terre, le nez dans les sillons, front plissé. Son grand frère est autoritaire, austère et il ne l'aime pas trop... Il ne veut pas vieillir, l'automne, ne veut pas finir comme lui, le frère aîné. Alors il fonce l'automne, dévale la pente dans la dernière lumière rasante, joue avec le vent.

L'automne refuse la tradition et les habits uniformes, laisse tomber le vert. Le vert du petit frère.

Vert tendre – vert bouteille – vert fluo – vert prairie – vert militaire- il n'en a que faire. Le vert c'est toujours le vert. Toujours du vert.

Alors il choisit les couleurs du feu qui coule en lui. S'harmonise avec son dedans. Avec le feu rage de vivre, encore un peu fou. Un feu incendiaire.

L'automne mettra le feu autour de lui s'il ne trouve pas, pour calmer son ardeur, refuge entre les pattes d'un gentil renard endormi sur la pierre chauffée au soleil, au beau milieu de la clairière.

L'automne est un adolescent qui ne demande qu'à être aimé.

Clodine B

 


 

Centon d’Automne

 

 

« Dans le brouillard, lentement, à l’heure exquise et matinale où rougit le soleil, s’en vient un paysan qui chantonne.

 Tel un pèlerin, il s’achemine jusqu’au banc tout entouré de feuilles à l’entrée du jardin, et s’y pose lourdement.

 Les roses du parterre ouvrent leur cœur vermeil, les pétales ont jonché le gazon ; quelques touffes encore printanières embaument et leur fragrance a le parfum des souvenirs si doux.

 Il la revoit, dans sa robe blanche … blanche de la nuque à l’orteil, et le visage perdu dans son foulard, pour plus de charme encore.

 Il soupire de ce rêve et sourit de tant d’amour.

 Il aimerait tant lui offrir encore des fleurs, passer la main dans ses cheveux et lui rechanter cette chanson d’amour qui parle d’une bague.

 Mais elle n’est plus ici, leurs corps ne se frôleront plus … ils ne riront plus ensemble sous le soleil.

 La glycine est fanée et morte est son aimée ».

Ackane


 

       Le vent tourbillonnant qui rabat les volets, là-bas  tord les nuages qui se déchirent. Un beau ciel de novembre aux clartés automnales baigne le paysage. Au-delà du parc aux lointains voilés de brume, j'aperçois au milieu des labours dans le brun sombre de la terre  mon voisin Ferdinand.

     Sous les faisceaux des rayons cléments du soleil, le paysan chantonne une chanson d'amour et d'infidélité. Dans la pureté de l'air me viennent quelques mots.

      Appuyée sur un banc, je me souviens... et laisse doucement venir ces choses qui chantent dans ma tête.

VLG

 



Mon automne à moi

 

Mon automne à moi

Enfile des bottes de caoutchouc jaune

Aux jambes des champignons

 

Mon automne à moi

Grille des châtaignes dans le cuivré

Des cheveux de Suzie

 

Mon automne à moi

Remorque des écureuils

Casse-noix et rongeurs de rampe d'escalier

 

Mon automne à moi

Perd sa chlorophylle

Dans le cœur jaune des tournesols

 

Mon automne à moi

Met un vent

Au soleil brillant

 

Mon automne à moi

Me transporte à vélo

Pour goûter les coings des 5 continents

 

Mon automne à moi

Lit un vieux livre abimé

Grâce aux phares de la Porsche éclairée

 

Mon automne à moi

Revêt sa capeline velours orangé

Pour ne pas se geler

 

Mon automne à moi

Accroche des bas de soie

Aux frises sculptées de l'Alambra

 

Mon automne à moi

Confit des raisins caméléon

Dans la vieille bassine en cuivre

 

Mon automne à moi

Tire sa révérence de sa jupe plissée, en dormance ...

 

Florence T.

 



Comme par un prodige inouï, l'automne mange le temps. Je découvre l'heure exquise et matinale . Le chemin est devenu Octobre.
La saison décline, l'ombre grandit, l'azur décroit.
Les roses du parterre ouvrent leur coeur, les pétales de pourpre embaument les matins de l'arrière saison.
Les bosquets sont ravis, le ciel s'étonne.
Je croise le soir perdu dans ses foulards de ténèbres.
Le ciel se fait lourd, le vent tourbillonnant rabat les volets, deux vieux marins des mers rentrent au chaud et se nichent au creux de la cheminée, ils s'apprêtent à déguster la soupe fumante et la tarte odorante .


Catherine M

 


 

 

Les feuilles fatiguées de tourner, de voler, viennent délicatement se poser sur le banc et les couleurs jaunes, rouges, orangées tapissent joliment cet espace de leur beauté.

Michèle

 

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15 octobre 2014 3 15 /10 /octobre /2014 00:00

 

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Tip !

Un petit caillou tombe sur la terrasse !

Tiens ma mésange préférée vient me dire bonjour !

Il est temps de me lever. Je m’étire, sors de mon grand lit bien chaud et hop, sous la douche bien froide, me voici revivifiée, prête pour la journée !

Tip ! tap !

Deux petits cailloux sautent sur la terrasse !

Deux mésanges sifflotent et m’invitent au jardin.

C’est vrai qu’il est beau le jardin avec sa multitude de fleurs ensoleillées !

Le potager aussi s’est éveillé, et il me faut ramasser les légumes bien frais si je veux préparer à manger.

Tip ! tap ! top !

Trois petits cailloux dansent sur la terrasse !

Un oiseau de plus arrive, un jeune merle et tous les trois chantent à tue-tête sur le grand saule.

C’est le signal que la voiture du boulanger va bientôt arriver.

Mais oui ! Calmez-vous ! Je vais demander du pain dur pour vous ! bien-sûr !

Tip ! tap ! top ! pouf !

Quatre cailloux bondissent sur la terrasse !

L’hirondelle est descendue. Elle a rejoint ses amis.

Décidément vous ne me ratez pas ! C’est sympa mais avec vous pas de répit !

Je sais c’est l’heure du facteur ! M’apporte-t-il de bonnes nouvelles ? Vous êtes des oiseaux de bon augure !

 

Tip ! tap ! top ! pouf ! paf !

Cinq cailloux roulent sur la terrasse !

Ah ! le pigeon grassouillet de la maison d’à côté s’est joint à la chorale !

Vous voulez quoi ? Vous voyez bien ! Je lis mon courrier ! Laissez-moi respirer !

Vous savez, c’est bon parfois de s’arrêter !

Tip ! tap ! top ! pouf ! paf ! ploc !

Six cailloux claquent sur la terrasse !

Le sextet de volatiles de choc s’est réuni…je sens que l’heure est grave !

J’ai compris ! Ils sont tous là, solidaires, et leur chant caco-polyphonique m’invite et me dirige vers le haut de la grange.

Un évènement vient de se produire…cric…crac…croc…dans la paille, un petit œuf tout chaud, tout blond se fendille doucement.

De leurs grands yeux ronds, mes petits complices à plumes, la larme à l’œil, le bec émerveillé, me montrent le miracle du premier poussin ébouriffé que la chouette, leur grande amie du grenier, vient de finir de couver… ! chut…c’est un secret…

Clo


 


Une journée rythmée par le sablier

 

1-     C’est le temps de s’éveiller, de s’étirer, de traîner un peu, puis de se décider à se lever.

2-     Puis vient le temps d’ouvrir les volets, de regarder l’état du ciel, d’écouter le chant du vent et de décider comment s’habiller.

3-     C’est alors le temps du thé et des tartines, de la confiture qui coule, de la rose sur la table qui perd un pétale.

4-     Il est temps ensuite d’entrer dans ce monde aquatique :  sentir l’eau couler sur la peau, faire mousser le savon puis se draper dignement dans la grande serviette.

5-     Tout en s’habillant, il est temps de penser organisation, planning, etc. Par quoi commencer ? Où courir ? Quand s’arrêter un peu ?

6-     Et là, c’est parti ! Temps de sortir, d’agir, de travailler : enregistrer des informations, effectuer des tâches, répondre à des demandes ...

7-     Mais au milieu de ce fatras d’activités, de temps en temps, prendre le temps de regarder un coin de ciel et de respirer un peu plus amplement, fermer les yeux un court instant, prêter attention au chant d’oiseaux, regarder bruire les feuilles de l’arbre là en face ...

8-     Et pourquoi ne pas prendre le temps de s’évader du lieu ? Sauter sur ce nuage qui passe, atterrir sur cette moto rouge qui déboule, ou bien déplier ses ailes pour partir survoler ce parc...

9-     Bon, tout ceci ne doit pas durer : il est temps de retrouver son sérieux, posé, productif, efficace ...

10-   Ouf ! il est temps de rentrer : conduire sans hâte, écouter un vieux tube à la radio, admirer en roulant la nature qui se transforme, les vignes vierges éclatantes, les feuilles qui tombent en tapis doré ...

11-   Là vient le temps de poser avec délices ses pieds dans les chaussons douillets, chauffer la soupe, attendre l’aimé, cocooner ...

12-   Il est temps enfin de fermer les volets, reprendre le livre abandonné la veille, le refermer et s’abandonner aux bras de Morphée pour un voyage au pays des rêves.

Ackane

Ma vie fractionnée (carte Dixit)

 

            Fractionnée, dispersée ... Ma vie dans tous les sens ...

Un besoin impérieux d’unifier tout cela cherche parfois à s’imposer : ça ne peut pas continuer ainsi cet agenda noirci !!!

            Mais alors, comment choisir ce qui serait laissé, abandonné sur le bas-côté ? Ce qui serait étiqueté : « N’est plus digne d’intérêt » ? Renoncer à ceci, à cela ... Mais pourquoi, au fond ?

            Pour plus de calme ? Pour un chemin plus droit ? Pour plus de certitudes ?

 

            Ma vie, c’est une vie de bulles de savon irisées et variées. Il y a des grosses et des petites bulles, certaines qui éclatent et d’autres qui durent longtemps, mais toujours le désir de souffler encore pour en créer de nouvelles.

            C’est une vie, une seule et unique, pour tant de choses passionnantes à découvrir, tant de rencontres à faire qui vont permettre d’évoluer et de se transformer.

            Chaque jour a ses multiples facettes : c’est un peu fatiguant, mais c’est ça, pour moi, vivre aujourd’hui !

Ackane

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23 avril 2014 3 23 /04 /avril /2014 00:00

 

livre-dor

 

Promesse non tenue

 

« Vous traversez les joies et les souffrances de l’enfance, et déjà vous ressentez intimement, violemment que vous attendez quelque chose, mais vous ne savez pas quoi. Pendant l’adolescence, votre quête grandit de cet innommé :   dans vos errances et vos conduites à risque, vous espérez l’atteindre. Mais les années passent et la vie déroule son tapis de découvertes et de doutes, de joies et de regrets, d’obstacles surmontés et de désespérances. Un jour, peut-être, un grand amour vous fait frôler cet essentiel : vous croyez le tenir et vous sentez pousser vos ailes. Un jour, peut-être, l’usure du quotidien, des promesses non tenues, des trahisons, et la grande lassitude du toujours faire, vous en éloigne insidieusement : au début, vous ne vous en rendez pas vraiment compte, mais peu à peu, ce sentiment d’un vide vous ressaisit et grandit. Vous vous mettez à rêver de changements sans oser vraiment y croire, vous espérez un événement, une rencontre qui vous fera changer de cap. Au plus profond de vous-même, vous sentez qu’un chemin existe qui vous attend. Alors, vous donnez un bon coup de pied au fond du fond dans lequel vous avez eu l’attrait de vous laisser tomber. Comment avez-vous pu dédaigner tout ce qui vous est donné, pourquoi déserter le cadeau de la vie même ? Cette quête du Graal, cette soif immense exige-t-elle quelque chose hors du commun ? Partir : est-ce la solution ? Il vous semble soudain essentiel de prendre chaque jour  du temps pour savourer toutes ces petites merveilles que vous négligiez de regarder : ce sont des petits cailloux sur cette nouvelle part du chemin qui peut vous mener ... où d’ailleurs ? ... peut-être loin, loin ... peut-être jusqu’à vous-même… »

Ackane

 

livre

 

Le souffle des feuilles

 

            Des années durant, j’ai subi sans comprendre ses cris et ses colères. Elle pestait à longueur de journée, râlait de me trouver dans ses jambes tandis qu’elle s’activait bruyamment dans sa cuisine. À l’image de son humeur, les casseroles s’entrechoquaient, les fourchettes et les couteaux cliquetaient violemment, les assiettes menaçaient de se briser dans la rage qu’elle mettait à les empiler, à les ranger. Je finissais toujours par m’enfuir.

            Mon répit était de courte durée puisqu’il ne se passait pas cinq minutes avant qu’elle ne hurle mon nom dans l’inquiétude qu’elle avait de savoir où je m’étais cachée.

            Ma mère était animée d’une violence et d’une rancœur qui envahissaient la maison sitôt qu’elle posait le pied hors de son lit. Ma mère ne parlait pas, elle criait, s’époumonait, hurlait. Chaque petit évènement de la journée devenait un drame dans lequel elle tenait le premier rôle. Tantôt elle était la femme incomprise, malaimée, mésestimée de son bon-à-rien de mari, tantôt la mère éreintée, harassée, exploitée par sa fille ingrate, moi.

VLG

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19 février 2014 3 19 /02 /février /2014 00:00

 

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C’est un jour long et sombre. Marie tourne en rond, le cœur perdu. Elle en a assez de sa vie en ligne droite et monotone où elle craint de s’endormir, voire de mourir. Son avenir lui semble voué au néant. La blessure est là, immense, sans fond et elle ne supporte plus d’être ici, seule. Pour ne pas se noyer tout à fait, ce jour là Marie décide de s’occuper en rangeant le grenier. Elle monte l’escalier, et c’est déjà comme fuir. Dans l’antre poussiéreuse, elle se sent mieux soudain. C’est comme une tanière, un refuge où se cacher, où personne n’aurait idée de vous chercher. Elle ferme la porte : plus de téléphone, plus de sonnette, plus de contacts ...

Dans le bric à brac bariolé, les témoins de diverses époques de sa vie s’entassent et s‘emmêlent. Les objets proches de la porte sont vite reconnus, mais ce qui attire d’emblée Marie, c’est le fond du grenier : au plus loin, au plus profond du lieu et d’elle-même.

Malgré le faible éclairage, elle repère très vite ce petit carton défraichi qu’elle tire près de la lucarne.

Marie essuie un peu la poussière avec le dos de sa main et reconnaît avec émotion l’écriture de sa mère: « Affaires de Marie jeune fille ». Elle tarde à l’ouvrir : ce carton a suivi chacun de ses déménagements, sept en tout, chaque fois remisé au fond du grenier, jamais ouvert ...

La curiosité de Marie grandit et elle écarte les rabats. Sur le dessus, elle reconnaît immédiatement l’écriture de Giuletta, la correspondante italienne de ses 15 ans. C’est tout un paquet de lettres, tenues ensemble par un ruban bleu, qu’elle soulève le cœur battant. Elle revoit ces quelques mois où, enfermée dans sa chambre d’adolescente, elle prenait de longs temps d’écriture et laissait l’encre coucher ses pensées sur le papier. Tant de sentiments partagés, d’histoires racontées, de secrets confiés. Tant de bonheur à se découvrir l’une l’autre ...

Les yeux de Marie reviennent vers l’intérieur du carton et surprennent un autre paquet de lettres retenues par un même ruban bleu. Bien étonnée, elle reconnaît sa propre écriture ou plutôt l’écriture de ses quinze ans, âge où elle tentait de savoir qui elle était en s’essayant à diverses tailles et formes de lettres. C’est tout le courrier qu’elle-même avait écrit à sa chère amie romaine. Un trouble intense envahit Marie : elle revoit soudain ce bref séjour à Rome, où elle s’était rendue précipitamment, avec des larmes de sang, pour un ultime adieu à Giuletta. Après la cérémonie de funérailles il y avait eu un repas dans la villa. La maman de son amie l’avait serrée très fort contre elle quand elle allait repartir , et lui avait donné ce paquet de lettres contenant la moitié de leur complicités adolescentes.

 

Ackane

 


 


Correspondance entre Victor et Liselotte,

Lui dans le Poitou et elle en Allemagne.

 

Delphine avait le cœur serré à l’idée de vider la maison de Victor son grand-père. Depuis  son décès, elle avait trouvé dans une vielle malle en bois ciré du grenier, tout un paquet de lettres jaunies, bien conservées malgré le temps, dans une boîte en métal hermétiquement fermée.

La forme des enveloppes différaient selon qui avait écrit. Certaines, longues et grises venaient d’Allemagne, les autres,  blanches, carré, avaient le tampon de Poitiers. Elles étaient là empilées depuis Dieu sait quand, créant un feuilleté mystérieux.

Alors que tout le monde s’affairait au milieu des cartons et des meubles pour le déménagement, Delphine s’isola sous les combles et commença à défaire le ruban de taffetas bleu turquoise qui enserrait les lettres.

La première qu’elle lut la bouleversa aux larmes. Elle était signée de Victor qui évoquait ses dures années de captivité, dans le froid, la faim, la peur, et les mots qu’il employait malgré la dureté des évènements, étaient chargés de finesse et de poésie. Jamais elle n’avait entendu son grand-père parler en ces termes, lui plutôt réservé, laborieux et même un peu bourru dans le quotidien.

Ce qui la troubla le plus, c’était l’évocation qu’il faisait de cette femme Liselotte à laquelle il écrivait et dont visiblement il était très amoureux.

Tout était délicatesse et tendresse.

Il y en avait une qu’il avait dû écrire dans un train qui le ramenait en France et qui disait :

 « Ma belle Liselotte, ma bien-aimée,

Il fait à peine jour et j’ai froid.  A cette heure-ci je n’ai pas encore passé la frontière. Le train roule doucement, il va certainement y avoir un changement, je ne sais pas trop ce qui se passe, on entend  des soldats.  J’ai un peu de temps devant moi, enfin j’espère.

Dans ce sinistre wagon je commence une lettre d’amour pour toi ma douce. Nous commençons une longue attente et mon cœur est douloureux de la distance qui désormais nous éloigne à jamais.

Si tu savais ma douce comme tu me manques déjà, comme le roulement métallique et saccadé du train me donne envie de hurler mon désarroi, mon désir de retourner vers toi ! Mais la guerre est là !

Tu m’as sauvé la vie, soigné avec tellement d’attention et d’amour à l’hôpital. Je défaillais devant ton regard si tendre, si bleu, si lumineux quand tu venais dans ma chambre au moment des soins. Tes piqûres, je ne les sentais même pas !  Ta main sur mon bras, ta manière de me toucher, tout me semblait caresse. Ton parfum flotte encore autour de moi et jamais je n’oublierai nos instants de bonheur quand il nous arrivait de pouvoir nous retrouver seuls tous les  deux. Ces moments étaient rares mais si délicieux, si précieux !

Tu as fait en sorte qu’on ne me renvoie pas au front et pour cela je ne te remercierai jamais assez, mais c’est  aussi pour cela que je rentre au pays.

Tu me sauves la vie et la vie nous éloigne l’un de l’autre… Quelle absurdité ! Quelle cruelle injustice ! J’espère au plus profond de moi que nous nous reverrons un jour mais sache que mon cœur est à jamais tourné vers toi, ma belle, ma douce Liselotte…»     Victor

Bouleversée et sous le charme de cette lettre de son grand-père, Delphine se hasarda à soulever le ruban turquoise et à tirer délicatement du paquet, une longue enveloppe grise. Les lettres de Liselotte pour Victor avaient gardé malgré les années,  un doux parfum de roses anciennes. Ce qu’elle écrivait, l’était dans un français approximatif, délicieusement maladroit mais tellement plein d’amour aussi…

Elle commençait par une magnifique déclaration à l’encre violette d’un poète français :

« Quand on est dans l’amour et qu’on ne voit pas son amour, on regarde très haut dans le ciel, c’est là que les regards des amoureux se retrouvent, se voient, se touchent des doigts. »

Comment ces lettres se retrouvaient-elles là ? Est-ce que grand-mère savait ? Sans doute, mais dans la famille,  personne jamais, n’avait parlé de cette histoire.

Toute émue, Delphine renoua soigneusement le ruban de taffetas bleu, referma la boite métallique qu’elle déposa doucement dans le coffre en bois ciré et se promit de toujours garder précieusement les écrits qu’avaient échangés son grand-père et Liselotte.

                                                                                                        Clo Th


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22 janvier 2014 3 22 /01 /janvier /2014 00:00

 

Elle 00

 

" Au lieu d'aborder de front la difficulté quasi insurmontable qui consite à rédiger un récit continu, tu te contentes d'écrire des fragments comme ils viennent. Le fait que le travail soit exécuté par fragments réduit la responsabilité. Tu n'es pas engagé par chacun de ces textes. Ce sont de simples possibilités, des pierres d'attente qui ne t'obligent pas. Puis tu mets les fragments bout à bout en rédigeant, de façon également hâtive, et en pricipe provisoire, les phrases (au besoin les pages) de liaison qui permettront de les joindre. Cela encore ne t'engage pas trop. Il ne s'agit après tout, que de transitions, dont tu n'es pas forcément satisfait et que tu pourras revoir. Ainsi, sournoisement, tu finis par te trouver en présence d'un texte continu, fait de pièces et de morceaux, plus ou moins bien cousus. Reste alors la dernière étape : tu te relis, tu corriges, tu supprimes, tu modifies, de telle sorte que la véritable continuité, celle que tu n'avais pas voulu assumer jusque-là, apparaisse. Tu peux le faire parce que tu n'es plus en présence du vide. La terreur et l'attrait qu'exerçait ce rien - et qui favorisait toutes les erreurs, toutes les fausses pistes, vite empruntées et aussitôt abandonnées - ont disparu.

 

Bernard Pingaud

 

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     ELLE

 

               Ce qu’il y a de bien avec les souvenirs c’est que le temps ne les rabote pas.

            Une quarantaine d’années ont passé depuis ma rencontre avec elle et je n’ai rien oublié. Le poids des ans ne nous épargne pas. Les petits maux du grand âge arrivent en masse. Peu m’importe ! Je traverse le temps comme en apesanteur. Mon amour d’elle ne fait pas mon âge. Je l’aime comme à 16 ans.

            Elle habille notre maison de touches de couleurs chaudes. Sur les murs blancs de chaux, ses toiles, comme des mosaïques de lumière, sont accrochées. J’aime à la regarder peindre. J’aime ses mouvements amples et  sûrs quand, tel un chef d’orchestre, elle compose ses tableaux. À grands coups de pinceaux, elle dépose des notes de rouge, de brun, de jaune orangé et d’ocre. Lorsqu’elle suspend son geste, que tout est fini, elle pose sur moi ses yeux sombres. J’aime à cet instant précis son air perdu, cette vulnérabilité qui affleure. Elle me fixe de son regard noyé. Je sais alors qu’il est temps que nous sortions. Elle a besoin de ces grands bols d’air pour reprendre pied. Elle aime les escapades dans les près. Elle marche à belles enjambées, serpente et sillonne au gré de ses envies au milieu des herbes hautes, des fougères, des buissons. De ces vivifiantes échappées, elle rapporte toujours des brassées de fleurs multicolores.

             Elle a un avis sur tout. Elle cause, cause, cause. Et patali et patala. En veux-tu, en voilà. Je ne fais pas le tri. Ce qu’elle chuchote à mon oreille souvent me traverse l’âme et le cœur. Parfois ses mots s’envolent… éphémères. Jamais je ne m’en lasse. J’aime son bavardage qui jamais ne semble devoir tarir. J’aime son exubérance.

            Et puis elle doute toujours de tout, de moi surtout. Dès que je m’absente, son imagination s’enflamme. Elle voit des choses, des images qui lui font du mal. Elle invente des histoires de mensonges, de trahisons. Son cœur tremble et palpite. De ses yeux coulent des rivières. Alors moi, je la console. J’aime sécher ses larmes, la blottir au creux de mes bras, lui murmurer des mots tendres, des mots pour ne pas avoir peur, des mots qui rassurent. J’aime lorsqu’elle s’apaise et s’adoucit. J’aime voir renaitre son sourire au milieu de ses larmes.

 

            Je sais que d’aucuns pensent qu’il est étrange que, dans ma vie, sa place à elle soit si importante. Et pourtant… Je crois connaître ses moindres défauts, mais venant d’elle, ils n’en sont pas.  Dans ses doutes, ses suspicions, je vois ses fêlures, mais aussi son indomptable imagination. De son bavardage, je fais une mélodie. De sa folie, je me nourris. Les années passent, toujours elle me surprend, me fait vibrant, vivant. Elle est la lumière de mes jours, le délice de mes nuits. Elle est mon amour. Encore et toujours.

VLG

Elle

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« Allez ! Plus haut ! Plus haut ! Prends de l’élan, appuie sur la planche avec tes pieds ! C’est super, on se voit, on se croise, ça fait du vent !

C’est mieux de se balancer à deux que tout seul ! Dis, tu crois qu’on va s’envoler ? »

« Ma pauv’fille ! Arrête de raconter n’importe quoi ! C’est quoi cette histoire de se balancer, de s’envoler ? Tu vois bien qu’on est à la maison !

Il est trop fort ton grog ! T’as mis vraiment beaucoup trop de rhum ! Regarde ! T’es complètement ivre ! T’as pris ton plateau pour un collier et tu l’as transpercé ! la tête dedans ! T’es bien avancée ! Pas facile maintenant pour déguster ! »

Les yeux au ciel, elle continue à divaguer, illuminée par les parfums tièdes et sucrés.

Elle rêve de la Guadeloupe, des cocotiers, de la mer bleue, des plages dorées.

Elle rêve du soleil sur sa peau, du goût salé des vagues, elle imagine les tortues, les dauphins qui l’appellent au loin…

Mais non, elle ne fait rien, juste son rhum à la main. Fichu destin !

La pureté du ciel, de l’eau, tout ça, elle a envie d’y croire. Assise dans son fauteuil à l’heure du goûter pourtant elle est bien loin de ces pays rêvés.

D’ailleurs ils ne se valent pas tous.

Certains sont chauds, humides envahis de forêts luxuriantes, de fleurs magnifiques où les gens se prélassent, dansent et chantent dans les rues. D’autres sont désertiques, brûlants où des reptiles silencieux se faufilent entre les rochers.

On lui a raconté tellement d’histoires, de récits de voyages !

Ce n’est pas encore pour bientôt qu’elle ira vers les pays chauds !

Le regard au fond de sa tasse, elle est lasse, elle se tasse…à quoi bon rêver ? Mais à nouveau avalant une gorgée, elle sourit : « il y a aussi la Laponie, La Mongolie…c’est froid mais ça doit être joli ? »

« Ma pauv’fille ! »

 

                                                          Clo Th

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