Nuit de l'écriture Le Thoureil - 17.09.2016
Ecrire la nuit, écrire dans la nuit, écrire sur la nuit...
Le jour s'enfuit, loin vers l'ouest...
Les dernières lueurs s'estompent, là-bas, sur la Loire, absorbées, semble t-il, par les nuages pommelés ou filants...
Le bleu, le mauve, le rose se fondent dans les blancs, les gris, les ombres et les sombres.
Un héron au vol lourd,
une formation de cormorans disparaissent, comme happés, eux aussi, par cet ailleurs que je ne sais nommer.
Et, de l'autre côté de la rue,
les chauves-souris prennent le relais et animent le clair-obscur de leurs vols vifs et imprévisibles.
Le vent de galerne ne se laisse pas oublier
et, dans un même souffle, sans choisir,
il orne la surface du fleuve d'un doux friselis et il fait trembler les fins éventails d'or du vieux ginkgo.
Et passant devant ce portail mangé de lierre, que nul n'a entrouvert depuis bien longtemps, je frissonne aussi en mesurant le temps à l'aune de l'absence.
Dans l'obscurité, bien installée maintenant,
je poursuis mon errance entre les ruelles, entre les maisons qui ont défié et les siècles et les crues de la rivière sauvage. Mes pas résonnent sur le gravier... ou se dissolvent dans l'herbe...
les murs semblent s'écarter ou se rapprocher au fur et à mesure que j'avance...
mes yeux ont oublié ce que réalité veut dire.
Une silhouette furtive et silencieuse traverse devant moi et se fond dans l'obscurité.
Un fantôme ? Celui d'un Hollandais revenu des temps anciens ?
Mais ce n'était peut-être qu'un chat ?
Noir ? ou gris comme le veut la formule ?
Quelques notes de musique m'attirent vers le cimetière.
Le musicien me reste invisible... mais, là-bas, ces flammes qui scintillent ?
J'ai l'impression d'être dans un conte fantastique.
Sont-ce les âmes des morts échappées de leurs tombeaux...
ou bien celles des péris en Loire venues partager un instant d'éternité,
ou tout simplement profiter de « cette grande ombre douce tombée du ciel » comme l'a si bien dit Maupassant ?
Je continue mon chemin et devant ces lumignons blottis au creux du mur,
je me dis que les baliseurs de Loire sont aussi passés par là pour m'indiquer le chemin qu'un jour, comme tout un chacun, je prendrai pour la dernière fois.
Et, dans les jardins bordant la ruelle qui redescend vers le fleuve,
dans la clarté incertaine des réverbères,
j'ai vu onduler un bananier, se dresser un immense ginkgo et une bougainvillée pourpre se prélasser sous une verrière... et, là, près des canots recroquevillés sous leurs bâches,
m'apparaissent des dunes de sable blond,
et des éclats glacés qui miroitent au loin...
Changement de latitude ?
Quelle frontière ai-je traversée sans m'en apercevoir ?
Nullement !
C'est juste la magie d'un soir,
en bord de Loire.
R.M.
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J’ai rêvé…
Musique de l’eau
Clapotis contre les flancs du bateau
La vague comme un mouvement d’écriture
les mots, une sorte d'aventure.
Je respire
Ma main ondule à fleur de rivière
« Route du sel », la Loire dans un verre
Au bout du territoire
Toi et moi saurons-nous vouloir ?
Ecrire
Toujours deux voiles à couple, la gabare file
Cajolage de la toue sablière
Septembre au bord de la nuit comme une île
Balises à terre
Lucioles sur mon chemin
« dream a little dream of me… »
Voix en écho sur la berge qui me revient
Le silence tisse avec le bruit
La Loire liquide et fluide coule en mémoire
Murmure des feuillages qui bruissent le soir
Parfum de fleurs étoilées
A quai le jasmin en bouquet.
Le vent irrigue mes veines
La nuit distille mes rêves
La Loire insuffle en moi un désir, oui,
Je me cache dans mon écharpe, j’en souris
La lumière ricoche sur le fleuve, matière soyeuse
Emotions en intraveineuses
L’ombre du ciel m’enveloppe sans bruit.
A contre temps, à contre vent
Mon bateau glisse inexorablement.
Et si je m’étais suspendue à tes cordages ?
Et si j’avais envisagé l’accostage ?
Carte géographique du tumulte, de mon émoi
Quel courant ascendant me porte à rêver ?
Quel fleuve en moi me conduirait vers toi ?
Descendre la nuit, attendre la Loire
Écritures dans le ciel, tourbillon
Les cormorans tracent leurs sillons
calligraphient l’instant
impriment l’intensité du présent.
et j’imagine avoir leurs ailes qui fendent l’azur
et je laisse naviguer ma frêle embarcation vers un incertain futur
mon esquif rêve de voguer en terre de quiétude
et de prendre enfin, enfin de l’altitude.
Minuit
Lanterne dans la nuit
Vertiges infinis
Songe de Loire & ciel unis.
De la route du sel à la voute du ciel
Les oiseaux ligériens apprendront le chemin.
J’attends toujours demain
La lumière ricoche sur le fleuve, matière soyeuse
Emotions en intraveineuses
L’ombre du ciel m’enveloppe sans bruit.
A contre temps, à contre vent
Mon bateau glisse inexorablement.
Et si je m’étais suspendue à tes cordages ?
Et si j’avais envisagé l’accostage ?
Carte géographique du tumulte, de mon émoi
Quel courant ascendant me porte à rêver ?
Quel fleuve en moi me conduirait vers toi ?
Descendre la nuit, attendre la Loire
Écritures dans le ciel, tourbillon
Les cormorans tracent leurs sillons
calligraphient l’instant
impriment l’intensité du présent.
et j’imagine avoir leurs ailes qui fendent l’azur
et je laisse naviguer ma frêle embarcation vers un incertain futur
mon esquif rêve de voguer en terre de quiétude
et de prendre enfin, enfin de l’altitude.
Minuit
Lanterne dans la nuit
Vertiges infinis
Songe de Loire & ciel unis.
De la route du sel à la voute du ciel
Les oiseaux ligériens apprendront le chemin.
J’attends toujours demain
Chrystelle
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La Loire, là tout près, invisible mais si présente ; une mélodie tout près, plus loin, tantôt douce ou mélancolique. Hors du temps, mais entre les murs, enceinte qui invite à la douceur, à la réflexion ; la Loire juste alanguie par la nuit noire qui l'enveloppe. Les lutins et les elfes sortent leurs lumières et commencent leur sarabande. La nuit se fait musicale, murmures. Les oiseaux ne jouent plus avec l'alphabet en V, le Tsigane et la Dame Jeanne sont à quai. Les courants d'air ont laissé place à la fraîcheur d'un soir de fin d'été, la guinguette est muette, la chouette effraie ....
Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable. Qu'importe, je traverse la limite et étanche ma soif de calme et de sérénité. Je suis bien.
Privilège d'une nuit. Dedans, dehors ; le jardin magnifique qui borde les murs et les vitres, le son d'un instrument tibétain, les lumières vacillantes, les ombres qui se projettent sur les tables, l'herbe, les pierres. "Le soir tombe et dans le jardin, les fleurs racontent des histoires". Ici point de vent de galerne, de toues cabanées ou sablières, plus de sternes argentées ni de cormorans, plus de contre-jour, de contre temps, de contre-courant. Les fantômes peuvent venir. La Loire, fleuve majestueux saura nous protéger de ses bras sinueux. Fin de la nuit de l'écriture ; un grand merci à toutes celles et tous ceux qui ont rendu possible cette belle nuit.
Michèle
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La toue sablière glisse sur l’eau, le clapotis et les vaguelettes me bercent, je me laisse aller, je lâche prise. Le vent agite mes cheveux tels des girouettes en haut du mat. Que la Loire est belle, entre eau et sable, majestueuse dans son écrin de nuages sombres bleutés prêts à déverser leurs larmes sur nous. Un rayon de soleil transperce les nuages qui menacent et illumine un instant l’horizon permettant à la Loire de se parer de myriades de lumières. Les seigneurs de la Loire s’envolent dans un même élan et dessinent une traînée dans le ciel qui m’invite au voyage. Mais déjà le cliquetis des amarres me ramène doucement au présent, la Dame Blanche accoste et nous dépose sur la berge. Le Thoureil nous accueille, ses belles angevines bien alignées nous appellent. Entre ses murets couverts de mousse et portes dérobées, n’y a-t-il pas quelques mystères à découvrir ? La nuit tombe, l’air se rafraîchit, je frissonne. Au détour d’un chemin, la nuit s’ouvre sur des espaces qui nous paraissent infinis, des ombres se profilent. Des lumières éparses, reflets de l’âme nous guident, dans ce dédale, déjà le voyage fini et je repars apaisée.
Diana
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L’inversement des couleurs
Il faut peu de temps pour changer le décor.
Pour l’inversement des couleurs.
Le noir, qui n’était tout à l’heure, que le trait d’élégance d’un vol d’oiseau dans le ciel rosé, s’est désormais déplié là tout autour.
La lumière dorée, qui baignait la ceinture d’arbres autour du sable blond, s’est évanouie dans une densité opaque qui relie ciel et fleuve.
Le noir a planté un décor d’espaces infinis aux contours flous.
Les voix qui émergent de la nuit prennent maintenant toute leur importance, seules détentrices d’émotions qu’on ne discerne plus sur les visages incertains.
La nuit, je mens ; quelle importance ?
Qui verra mon nez de Pinocchio s’allonger sur mes incertitudes ?
Je déguise mes vérités dans la silhouette informe du manteau nocturne.
L’aube, de toute façon, leur rendra leur belle couleur d’ocre et de miel.
Françoise N.